Si une conception « votocentrique » ne permet pas de saisir le feuilletage complexe de la citoyenneté athénienne au Ve siècle, c’est bien la question du droit de vote – d’un suffrage réellement universel - qui, au XIXe s. va polariser les combats catégoriels de celles et ceux qui en sont exclu.e.s.
- Anne-Sarah Bouglé-Moalic historienne
- Delphine Diaz Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Reims
- Mathilde Larrère Enseignante-chercheuse à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée, spécialiste de l’histoire des révolutions du XIXe siècle et de la citoyenneté
Emmanuel Laurentin et Séverine Liatard s'entretiennent avec les historiennes Mathilde Larrère, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris-Est, Delphine Diaz, maîtresse de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne et Anne-Sarah Bouglé-Moalic, auteure de "Le vote des Françaises. Cent ans de débats, 1848-1944" (PUR, 2012).
Delphine Diaz : Au cours du XIXe siècle, plusieurs régimes n’appliquent pas le suffrage universel. Le suffrage censitaire tel qu’il est appliqué sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet implique que beaucoup de Français qui n’ont pas le droit de vote vont trouver d’autres moyens de faire de la politique, au travers d’une citoyenneté combattante, celle des insurgés sur les barricades, mais aussi via d’autres formes de sociabilité par lesquelles on peut s’affirmer comme citoyens.
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Pourquoi le XIXe siècle a-t-il été si hostile à la question du suffrage universel ?
Mathilde Larrère : Le suffrage universel – encore exclusivement masculin – fait peur à toute une frange de la classe politique, des conservateurs aux libéraux. Ils ont trouvé à plusieurs reprises dans l’histoire des moyens d’exclure les classes populaires, essentiellement les classes populaires urbaines, puisque ce sont elles qui font le plus peur : ouvriers et artisans, le monde de la fabrique et de la boutique, les paysans eux ayant obtenu le droit de vote plus vite. Ce qui a obligé à penser des lois assez tordues pour réussir à donner le droit de vote aux paysans sans le donner aux ouvriers. Sous la Monarchie de Juillet, on voit des campagnes de pétitions pour réclamer un suffrage universel, et une éligibilité universelle, mais surtout les moyens de l’assurer, c’est-à-dire une indemnité parlementaire. En 1864, le Manifeste des Soixante réclame des candidatures ouvrières pour que des ouvriers siègent à l’Assemblée nationale. Une problématique toujours d'actualité aujourd'hui puisqu'il n’y a qu'un seul député ouvrier.
Comment la question du droit de vote des femmes se pose-t-elle au XIXe siècle ?
Anne-Sarah Bouglé-Moalic : C'est une revendication qui est loin d'être largement partagée. George Sand par exemple, et avec elle beaucoup de femmes, pensent qu'il ne constitue pas une priorité. La première pierre de la citoyenneté doit être l'obtention des droits civils élémentaires dont sont privés les femmes depuis le Code civil napoléonien : une femme ne peut pas témoigner, une fois qu’elle est mariée, elle n’est pas libre de ses mouvements et ne peut rien faire sans l’autorisation de son mari. Enfin, de nombreuses militantes pensent que les femmes doivent d'abord être éduquées, qu’elles ne sont pas encore assez éclairées pour pouvoir voter « correctement » - en 1848, la dimension partisane est encore assez forte chez ces militantes. Quant aux suffragettes, elles rencontrent beaucoup d’opposition y compris chez ceux auprès de qui elles pensaient trouver un appui, dans les milieux progressistes proudhoniens par exemple.
Bibliographie
- Anne Verjus, Jennifer Heuer, L'invention de la sphère domestique au sortir de la Révolution, Annales historiques de la Révolution française, Armand Colin, 2002
Musique diffusée
- Marc Ogeret, Faut plus d'gouvernement
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