Grand entretien avec Pierre Schoeller : épisode 1/4 du podcast Relire la Révolution française

Pierre Schoeller, Un peuple et son roi
Pierre Schoeller, Un peuple et son roi
Pierre Schoeller, Un peuple et son roi
Pierre Schoeller, Un peuple et son roi
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Où en est-on aujourd’hui des relectures de la Révolution française presque trente ans après son bicentenaire ? La Fabrique saisit l’occasion de la sortie du film de Pierre Schoeller Un peuple et son roi pour poser la question de l’actualité de cet événement majeur de notre histoire.

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Sept ans après L'Exercice du pouvoir, le cinéaste Pierre Schoeller poursuit sa réflexion sur le pouvoir politique avec Un peuple et son roi, une fresque historique sur la création de la République, en salles le 26 septembre.

Le titre du film témoigne d'une approche originale : celle de conjoindre le peuple de Paris et Louis XVI. Pourquoi avoir mis l'accent sur cette dimension relationnelle ?

Pierre Schoeller : Je voulais montrer un temps où la politique et la notion de peuple marchaient ensemble. Je voulais aussi partir de l’idée que les femmes étaient importantes dans les événements révolutionnaires. Et enfin que le cinéma a la puissance, les ressources nécessaires pour filmer un événement aussi complexe, ample, et à la fois simple, hésitant et fragile. Je ne voulais pas mettre le mot révolution dans le titre parce que cela aurait d’emblée proposé au spectateur une chronique historique. Alors que ce « et » entre le peuple – qui est le premier terme, et qui dit bien d’où l’on part – et son roi (il s’agira bien du roi dans le sentiment qu’en a le peuple) renvoie à l’émotion, plus qu’à la relation politique finalement. Ce « et » est tellement incertain, mouvant qu’il me paraissait à même de rendre compte de ce que le film essaie de faire : se balader à la fois dans les imaginaires, les faits historiques, mais aussi les contradictions autour de cette figure du roi. Qui se souvient aujourd’hui que les deux premières années de la Révolution se sont faites avec le roi - même s’il résiste - mais néanmoins avec lui ?

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#Creuzevault #Pommerat #Mnouchkine #Assassin'sCreed

Emmanuel Laurentin : Vous avez sollicité plusieurs historiens comme référents pour l’écriture du scénario. Mais comment tranche-t-on entre des visions de l’histoire aussi différentes : celles qui privilégient l’intime, l’amour, ou la prise de parole dans l’Assemblée, ou le peuple, ou le roi ou encore les anti-révolutionnaires ? Comment concilie-t-on les approches d’Arlette Farge, de Sophie Wahnich, de Guillaume Mazeau, de Patrick Boucheron ou encore de Timothy Tackett ?

Pierre Schoeller : Je les ai sollicités là où j’avais des difficultés à écrire et j’attendais d’eux aussi qu'ils pointent des incohérences ou des erreurs. Mais le point de vue du film, je l’ai forgé assez vite autour de cette idée de peuple actif, de peuple politique, ce que j’appelle le "peuple décisif". On a souvent chassé des événements révolutionnaires la part active du peuple - je ne parle pas de la part pulsionnelle, réactive, capricieuse, je parle de la part responsable - ou bien on l’a déformée. Parce qu’elle a été génératrice de violence, cette révolution y est d’emblée associée. Mais si la Révolution française est enseignée dans le monde entier, c’est qu’elle est un fait de l’histoire mondiale, un mouvement de civilisation. Il y a des choses belles, modernes et humanistes qui se produisent à cette période, qui n'est pas pour moi qu’un chemin de violence. Elle est aussi un formidable temps d’invention : de chants, d’objets, d'une culture vestimentaire, de caricatures, de dessins, etc. Et surtout elle marque le cheminement de tous vers le politique. C’est ce qui m’a le plus intéressé, cette énergie-là. Je n’ai pas la prétention de faire de l’histoire objective. Je suis un personnage : Louis XVI, je suis un mouvement fictionnel, un mouvement d’énergie émotionnelle : comment un peuple en arrive à se défaire de cette figure tutélaire.

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Pourquoi avoir fait le choix d’un film en costumes ?

Pierre Schoeller : J’ai voulu que ces événements soient vus dans un passé : aller aux costumes, à leur langue, à leur lumière. Ma démarche était de garder la séparation entre notre présent et leur monde, et de quitter notre monde pour aller voir ce qui avait eu lieu. Et j’étais frappé de voir que ce qui avait lieu, on le comprenait, ça rayonnait, ça nous interpellait, ça pouvait nous toucher, nous réveiller. Mais il ne s’agit pas de reprendre le fil de l’action révolutionnaire pour le poursuivre. Je n’y crois pas. Il s‘agit de revitaliser notre présence à la chose politique, pas l’œuvre révolutionnaire en elle-même. 

#Méduse #Saint Just #Barnave #Marat

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