Grippe de 1918 : la plus grande pandémie de l'histoire de l'humanité ? : épisode 2/4 du podcast Les sociétés face aux épidémies

Les opératrices d'un standard téléphonique effectuent un bain de bouche désinfectant afin de lutter contre l'épidémie de grippe espagnole, Londres, 1918.
Les opératrices d'un standard téléphonique effectuent un bain de bouche désinfectant afin de lutter contre l'épidémie de grippe espagnole, Londres, 1918. ©Getty - Keystone-France\Gamma-Rapho
Les opératrices d'un standard téléphonique effectuent un bain de bouche désinfectant afin de lutter contre l'épidémie de grippe espagnole, Londres, 1918. ©Getty - Keystone-France\Gamma-Rapho
Les opératrices d'un standard téléphonique effectuent un bain de bouche désinfectant afin de lutter contre l'épidémie de grippe espagnole, Londres, 1918. ©Getty - Keystone-France\Gamma-Rapho
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Deuxième volet de cette série consacrées aux épidémies, Emmanuel Laurentin et Séverine Liatard s'entretiennent avec Frédéric Vagneron, historien et Freddy Vinet, géographe, de l'épidémie de grippe dite espagnole qui dévaste l'Europe juste après la Première Guerre mondiale.

Avec
  • Frédéric Vagneron Historien spécialiste des épidémies et postdoctorant au Centre Alexandre-Koyré
  • Freddy Vinet professeur de géographie à l'université Montpellier 3
  • Nathalie Kanoui

Deuxième volet de cette série consacrées aux épidémies, une émission d'archives consacrée à la grippe pandémique (1889-1919) avec Frédéric Vagneron, chercheur associé au Centre d'humanités médicales (CMH) de l'Université de Zurich et Freddy Vinet, géographe, professeur à l'Université Paul-Valéry Montpellier III et spécialiste de l’épidémiologie des désastres.

Comment expliquer que le nombre de victimes de l’épidémie fluctue selon les sources entre 50 et 100 millions de morts ?

Assez rapidement après 1918, le fait que la grippe espagnole a fait plus de victimes que les quatre années de conflit fait consensus. Mais jusqu’aux années 1970, les historiens s’entendent sur le chiffre de 15 à 30 millions de morts. On assiste ensuite à une inflation jusqu'à la publication en 2002 de cette fourchette 50/100 millions. Mais les statistiques sont des constructions, réalisées à partir de certificats de décès. Dans le cas français, d’après les statistiques sanitaires, on évalue entre 150 000 et 250 000 le nombre de victimes. Cet écart s'explique parce qu'il est difficile de connaître la population exacte d'une ville alors que les hommes adultes sont au front, et par conséquent, que leurs décès sont recensés, selon les cas, soit par des services civils soit par des services de l’armée.                      
Frédéric Vagneron

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Le bilan mondial de cette épidémie n’est toujours pas stabilisé. On dispose de chiffres relativement fiables dans le monde occidental parce que de nombreux chercheurs notamment américains se sont penchés sur le sujet, mais pour ce qui concerne la Chine, la Russie ou le monde ottoman, on manque encore d’archives et par conséquent de travaux. Ce qui explique en partie cet écart important. Mais l'on sait que le gros contingent des décès se trouve en Inde avec 18 à 20 millions de morts, en Indonésie avec plus de 4 millions de morts, et en Océanie où par exemple aux îles Samoa occidentales le quart de la population a succombé.                      
Freddy Vinet

#épidémie #pandémie #grippe russe #spanish flu

Alors que la peste a marqué la mémoire occidentale pendant des siècles, comment expliquer que l’épidémie de grippe espagnole appartienne à une histoire oubliée ?

En effet, alors qu’on est face à un événement exceptionnel, avec un bilan terrible et des conséquences très importantes sur la société, il est frappant de constater que sa restitution mémorielle est encore très faible, toujours dans l’ombre de la commémoration de la victoire de 1918.                    
Freddy Vinet

Il y a d’un côté la mémoire des acteurs de terrain, qui a pu rester vive, et dont témoignent Robert Debré ou encore Ephraïm Grenadou dans son récit publié en 1978 par exemple, et de l’autre les travaux des historiens qui en effet ont été plus tardifs. Le travail historiographique ne commence véritablement que dans les années 1970 avec les recherches de l’historien américain Alfred Crosby qui va d’ailleurs intituler son essai en 1976 « The Forgotten Pandemic », la pandémie oubliée.                  
Frédéric Vagneron

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