Pour ce deuxième volet de cette série thématique consacrée aux homosexualités, Emmanuel Laurentin s'entretient avec Antoine Idier, Suzette Robichon et Sylvie Tomolillo des enjeux de conservation et de patrimonialisation des archives des mouvements LGBT.
- Suzette Robichon Militante lesbienne, membre du collectif Archives et recherches de culture lesbienne (ARCL) et du Centre audiovisuel d’archives féministes Simone de Beauvoir
- Sylvie Tomolillo Directrice de Point G, centre de ressources sur le genre de la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu à Lyon
- Antoine Idier Sociologue et historien, maître de conférences à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité et des cultures minoritaires
Pour ce deuxième volet de cette série thématique consacrée aux homosexualités, Emmanuel Laurentin s'entretient des enjeux de conservation et de patrimonialisation des archives des mouvements LGBT avec Antoine Idier, sociologue et historien, Suzette Robichon, militante lesbienne, membre du collectif archives et recherches de culture lesbienne (ARCL), ainsi que du centre audiovisuel d’archives féministes Simone de Beauvoir et Sylvie Tomolillo, directrice de Point G, centre de ressources sur le genre de la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu à Lyon.
De quoi parle-t-on quand on parle d’archives LGBT ?
Ces archives reflètent surtout de l’histoire des luttes. On a moins de choses sur la question de la vie homosexuelle ou sur la manière dont la société considère l’homosexualité, dont les normes sexuelles trouvent à s’exprimer.
Antoine IdierPublicité
A partir de 1975, au sein des groupes féministes et lesbiens, la question d’archiver ce qui faisait l’objet de nos luttes s’est posée. Les premiers centres d’archives – en appartement ! – sont créés par des militantes à Paris, à Berlin ou à New dès 1983 : ils étaient à la fois un lieu de rassemblement de ce qui se faisait, devant la floraison de groupes et de journaux, et un lieu de visibilité et de résistance contre l’effacement de l’histoire.
Suzette Robichon
#Elula Perrin #Gouines rouges
En 2006, la mairie de Lyon a décidé de créer un centre de ressources sur la mémoire gay et lesbienne - élargi ensuite aux questions de genre dans leur ensemble. L'élément déclencheur a été le dépôt à la Bibliothèque municipale de Lyon du fonds Michel Chomarat, bibliophile et militant, dont la bibliothèque comportait des dizaines de milliers de documents dont une partie importante était constituée d’archives gay. Des années plus tard, pour Patrick Bazin, le directeur de la bibliothèque, il s’est agi ainsi de renouveler le fonds de la bibliothèque. On voit avec ce processus à quel point le point de vue des minorisés permet aussi un facteur de renouvellement de la culture.
Sylvie Tomolillo
En quoi la question des archives est-elle cruciale pour les mouvements LGBT+ ?
La connexion avec le passé permet de s’inventer à la fois une histoire individuelle et collective. Dès qu’on lit des revues homosexuelles anciennes, comme Inversion dans les années 1920, Arcadie, dans les années 60 ou encore les publications du FHAR dans les années 1970, revient toujours cette question de la relecture de l’histoire, de se trouver des références.
Antoine Idier
#André Baudry #Arcadie #Julian Jackson #Guy Hocquengem #Raced’Ep #FHAR
De la même façon qu’en tant qu’adolescent.e homosexuel.le, la découverte d’un poème de Sappho en bibliothèque peut s’avérer crucial, tout mouvement de lutte cherche les traces qui l’ont précédé, et à s’ancrer dans une histoire. Pour les mouvements lesbiens des années 1970 par exemple, les revues lesbiennes allemandes des années 1920 ont été très importantes, pour montrer qu’on ne sortait pas de nulle part. Mais il y a aussi l’accès à toute la mémoire privée, celle que permettent les rencontres avec des militantes des générations précédentes et qui ne se trouvent pas dans les archives officielles ni en bibliothèque.
Suzette Robichon
#Rolande Aurivel #Hélène Azénor #Amazones #Monique Wittig
Le travail sur les archives c’est aussi la possibilité d’éclairer les fonds anciens avec un regard nouveau. Certes avec toutes les précautions nécessaires - il ne s’agit pas de plaquer la grille de lecture LGBT ou queer de manière anachronique - mais relire l’histoire de la médecine par exemple permet de voir comment telle ou telle pratique suscite des résistances plus ou moins fortes selon les périodes historiques. A la fin du XIXe siècle, on voit se créer une sorte de panique autour de ce « 3e sexe » qui désigne à la fois les personnes homosexuelles, les femmes hermaphrodites et les femmes « émancipées » - qui font de la bicyclette ou portent un pantalon. La lecture de ces documents révèle, en raison des tensions internationales qui exacerbent le besoin d’hommes virils pour aller faire la guerre, les racines communes du sexisme et de l’homophobie. Et si l’on se plonge dans des fonds plus anciens encore, dans des manuels de chirurgie du XIVe siècle, on découvre la persistance du modèle galénique unisexe qui considérait identiques l’anatomie masculine et féminine, à ceci près que l’une était externe et l’autre interne. Selon le contexte politique, les archives révèlent que le corps a toujours fait l’objet d’interprétations très différentes.
Sylvie Tomolillo
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