J. M. Keynes est-il co-responsable de l’aveuglement des nations européennes ? De Munich ? Voire de la montée du nazisme ? Tel est en tout cas le procès que certains libéraux français vont intenter à partir de 1946 à l'économiste britannique, présent lors des négociations du Traité de Versailles.
- Ghislain Deleplace Professeur émérite à l'université Paris 8-Saint-Denis
- Philippe Chalmin Professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine.
- Clotilde Druelle-Korn Historienne, maître de conférences à l’Université de Limoges
« Si nous cherchons délibérément à appauvrir, j'ose prédire que la vengeance sera terrible. » J. M. Keynes
Les Conséquences économiques de la paix de John Maynard Keynes, publié dès 1919, souligne les suites funestes que le Traité de Versailles devrait avoir non seulement pour l'Allemagne, mais pour l'avenir économique de l'Europe. A ce titre, il va cristalliser la déception ressentie par ses contemporains, et déclencher l'hostilité de nombreux économistes libéraux français, parmi lesquels Etienne Mantoux.
Emmanuel Laurentin et Victor Macé de Lépinay s'entretiennent avec Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'Université Paris-Dauphine et auteur d’Une brève histoire économique d’un long XXe siècle (François Bourin, 2019), Ghislain Deleplace, professeur émérite à l’Université Paris 8, auteur d’une Histoire de la pensée économique (Dunod, 2018) et Clotilde Druelle-Korn, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Limoges.
Ghislain Deleplace : En 1919, deux philosophies s’opposent : la philosophie majoritaire, presque unanime, consiste à dire qu’il faut solder les comptes de la guerre, c’est-à-dire calculer son coût et faire payer l’Allemagne. Pour purger le passé. De l’autre côté, la position de Keynes, qui s’exprime aussi en France avec Charles Gide et Charles Rist notamment, et qui consiste à dire qu’après la guerre vient la paix, et que par conséquent la question est comment préparer les conditions du retour à une économie de paix ? Est-ce que cette question des dettes interalliées ne risque pas de plomber le retour à une économie de paix ? Cette position, si elle est minoritaire, était très forte pourtant, pas seulement d’un point du vue moral - regarder vers l’avenir - mais aussi d’un point de vue économique : elle disait qu’il était impossible de remettre l’économie occidentale sur le chemin de la paix en imposant des réparations aussi lourdes à l’Allemagne.
Comment expliquer que la mémoire collective ait retenu surtout l’intransigeance de la France sur le remboursement des dettes de guerre, le fameux « L'Allemagne paiera » de Clémenceau ?
Clotilde Druelle-Korn : En effet, on et face à une sorte de troc mémoriel » parce qu’en réalité, ce traité de Versailles était un traité dynamique. Ce qui était voulu c’était des sanctions, des garanties mais les signataires du Traité étaient très conscient des possibilités réelles de paiement de l’Allemagne. Son évolution, son adaptation, étaient envisagées dès les discussions, et prévues par de nombreuses clauses.
Certains ont forgé l'image d'un Keynes francophobe, est-ce une fable ?
Philippe Chalmin : Keynes était un excellent caricaturiste, avec ce mépris de la vieille aristocratie britannique pour tout ce qui n’est pas britannique. Il a la dent dure pour tout le monde, moquant le ministre des Finances Klotz, les « gants de chevreau » de Clémenceau ou encore traitant Foch de paysan. Il faut le faire descendre de son piédestal, parce que, même si sa vision des questions économiques était sans doute la plus réaliste, elle était politiquement infaisable.
Les textes lus par Daniel Kenigsberg sont extraits de :
- J. M. Keynes, Les conséquences économiques de la paix
- André Tardieu, La paix
- Etienne Mantoux, La paix calomniée: ou les conséquences économiques de M. Keynes
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