Mettre en fuite le démon, ou comment lutter contre l'enfer sur terre : épisode 2/4 du podcast Une histoire des enfers

Dionigi Bussola  (1615–1687), statues polychrome représentant Saint François d'Assise pratiquant un exorcisme, chapelle du Mont Sacré d'Orta, Italie
Dionigi Bussola  (1615–1687), statues polychrome représentant Saint François d'Assise pratiquant un exorcisme, chapelle du Mont Sacré d'Orta, Italie ©Getty - DEA / G. GNEMMI
Dionigi Bussola (1615–1687), statues polychrome représentant Saint François d'Assise pratiquant un exorcisme, chapelle du Mont Sacré d'Orta, Italie ©Getty - DEA / G. GNEMMI
Dionigi Bussola (1615–1687), statues polychrome représentant Saint François d'Assise pratiquant un exorcisme, chapelle du Mont Sacré d'Orta, Italie ©Getty - DEA / G. GNEMMI
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Au XVe siècle, nul besoin de brûler en enfer pour faire l'expérience de la présence du démon. Proposer une histoire des représentations des enfers invite à se pencher (aussi) sur les manifestations de possession et les rituels d'exorcisme tels qu'ils se développent en Europe à la fin du Moyen Age.

Avec
  • Laurence Wuidar professeure de philosophie médiévale au Studium des dominicains à Bologne (Italie)
  • Florence Chave-Mahir historienne, professeure au lycée Janson de Sailly (Paris), chercheuse associée au CIHAM UMR 5648 de l'Université de Lyon 2
  • Benoît Garnot professeur d’histoire moderne à l’Université de Bourgogne

Emmanuel Laurentin et Anaïs Kien s'entretiennent avec Florence Chave-Mahir, professeure d’histoire au lycée Janson de Sailly à Paris, Benoît Garnot, professeur d'histoire moderne à l'université de Bourgogne et Laurence Wuidar, chercheur au FNS (Université de Genève) et professeure d'histoire médiévale au Studium des dominicains à Bologne (Italie).

Inventé par l’Église à partir du Haut Moyen Age, le personnage du diable ne reste pas cantonné dans son royaume des enfers. Et quand son empire tente de s'exercer sur les vivants, il met leur équilibre en danger - à la faveur de la possession - en même temps qu'il perturbe la société toute entière. Il devient alors nécessaire d'élaborer une contre-attaque.  Avec la formalisation d'un premier rituel d’exorcisme vers 1400 apparaît dans tout l'Occident chrétien une pratique destinée aux "possédés" qui se démarque de l’exorcisme baptismal ou de conversion des païens pratiqués auparavant.  A partir du XVIe siècle, l’essor de la démonologie entraîne une diversification des représentations de la possession, la multiplication des sermons anti-hérétiques... et des manuels d'exorcisme. 

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Les Nuits de France Culture
31 min

L'exorcisme, une « parole de gronderie dont la puissance fait fuir le diable » (Isidore de Séville) ?

Florence Chave-Mahir s'est penchée sur la question de la démonologie, en particulier sur les récits relatifs au diable à partir de l'étude des premiers rituels d’exorcisme élaborés à partir de la fin du XIVe siècle et surtout au XVe siècle.

Cet imaginaire de la sorcellerie est alimenté d'autre part par des "affaires" de possessions spectaculaires qui se développent à cette époque, notamment au sein de l’ordre dominicain. Benoît Garnot a travaillé pour sa part sur la crise qui a secoué un couvent d'Ursulines à Auxonne près de Dijon, entre 1658 à 1663. A peine plus de vingt ans après la fameuse affaire de Loudun, des religieuses se disent habitées par les démons et le manifestent avec force tapage, délire et convulsions. Quand "l'épidémie" gagne la ville, des femmes laïques en sont jugées responsables et massacrées par la population. En octobre 1660, Barbe Buvée, Sœur Sainte-Colombe, est reconnue coupable de sortilège et d'infanticide et mise aux fers au couvent, avant d'être innocentée quelques mois plus tard par le Parlement de Dijon. Grâce aux archives du procès auxquelles il a eu accès, Benoît Garnot évoquera les causes de ces "possessions", les symptômes et surtout le traitement dont ils ont fait l'objet par les exorcistes du XVIIe siècle.

Déjà réputée guérir la mélancolie ou la frénésie, la musique a-t-elle joué aussi un rôle dans la guérison des démoniaques ?

Laurence Wuidar a étudié les relations entre musique et démons et explique pour sa part comme de nombreux rituels d'exorcisme vont recourir à la douceur des psaumes afin de contrer les chants voluptueux du diable, et comment la musique est investie du pouvoir d'accorder - ou de réaccorder - le corps humain, et de le rapprocher de Dieu.

Lectures :
- Pichard, Admirable vertu des saints exorcismes sur les princes denfer possedant reëllement Vertueuse Damoiselle Elizabeth de Ransaing, Nancy, Sebastien Philippe, 1622, p. 142-143.
- Dans la Vita Prima de Saint Bernard de Clairvaux, un exorcisme accompli au moment de la messe que l’on peut qualifier d’exorcisme eucharistique, Patrologie Latine 185, Vita Prima, II, 11, col. 275 (édition F. Chave-Mahir, L’exorcisme des possédés dans l’Eglise d’Occident, Brepols, 2011, p. 212).
- Sprenger – Kramer, Malleus maleficarum, 1486, livre I, question 5.
- Auxonne

Musiques diffusées :
- « Les Diables de Loudun, Acte 1 ich konnte aus der priorin», de Krysztof Penderecki
- « Dies dignus/Demon dolens/iste confessor », de John Dunstable
- « Les Diables de Loudun, Acte 1 Bitte, lieber gott  » de Krysztof Penderecki
- « Histoire du plaisir et de la désolation :  Harmonie du diable », Luc Ferrarri
- « La sorcière et l’inquisiteur », Rita Mitsouko

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