Comment le cinéma, la télévision puis aujourd'hui le jeu vidéo sont-ils intégrés en tant qu'auxiliaires pédagogiques par le système scolaire depuis les années 1950 ?
- Frédéric Marty Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication
- Viviane Glikman maîtresse de conférences à l'Institut National de Recherche Pédagogique (INRP)
- Laurent Trémel docteur en sociologie diplômé de l'EHESS, sociologue indépendant
Emmanuel Laurentin s'entretient avec Frédéric Marty, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’Université Paul Valéry-Montpellier 3, Viviane Glikman, maîtresse de conférences à l'Institut National de Recherche Pédagogique (INRP) et Laurent Tremel, chargé de mission « médiation scientifique et partenariats universitaires » au Musée national de l’Éducation (MNAE).
Du phonographe d’Edison à l’Internet en passant par la télévision, chaque « nouvelle technologie » de la communication a été immédiatement investie d’une mission pédagogique par l'institution scolaire.
Frédéric Marty : La France est l’un des premiers pays européens à se doter son audiovisuel public d’un service pédagogique. Aujourd’hui on a coutume d’opposer télévision et transmission des savoirs alors qu’à ses débuts, on croyait dans la capacité de cet outil nouveau à œuvrer à une meilleure transmission des savoirs. A partir des années 1960, on a un investissement fort de l’Etat, par le biais du Ministère de l’Education nationale qui va produire jusqu'à une vingtaine d’heures de programmes pédagogiques par semaine sur une centaine d’heures de programmes télévisuels au total pour l'unique chaîne. Et pour cela embaucher des producteurs, des réalisateurs comme Eric Rohmer, ce qui atteste de la légitimité qu’avait la télévision à l’époque, de sa capacité à agréger des créateurs et des intellectuels comme Michel Foucault ou Paul Ricoeur qui venaient parler de philosophie… à la télévision scolaire !
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Qu'est-ce qui explique l'abandon de la télévision scolaire ?
Viviane Glikman : Hormis à ses débuts, la télévision éducative n’a jamais été bien vue par par l’ORTF. Critiquée pour ses excès de didactisme, ou considérée comme une concurrente qui risquait de faire perdre de l’audience, elle a été marginalisée et ses programmes progressivement relégués à des plages horaires confidentielles. Alors qu’aux Etats-Unis à la fin des années 60, est créé Sesame Street, un programme télévisé à destination des enfants des milieux défavorisés pour les aider à apprendre à lire et à écrire. En France, la télévision scolaire s’arrête au début des années 1980. Il y aura une tentative de relancer la réflexion en 1994, avec la création de la Cinquième chaîne, censée être une chaîne éducative, mais qui se terminera par beaucoup de documentaires animaliers ! L’informatique - et plus tard l’Internet - ont servi à justifier l’abandon de l'audiovisuel éducatif, puisque tout était censé être dorénavant disponible à tous. A chaque fois, la même histoire se répète : on met beaucoup d’espoirs dans un nouveau support. Puis le nouveau support ne répond pas à cette immense attente, alors on passe au "nouveau-nouveau support". L’utopie d’ouvrir la formation à tous, qui était celle de la télévision à ses débuts, se retrouve aujourd’hui avec les MOOC par exemple.
Les jeux vidéo, dernier avatar de cette utopie scolaire ?
Laurent Tremel : Par rapport à la mobilisation du jeu vidéo ou du serious games dans un cadre scolaire, il y a deux approches : soit on les utilise comme outil de médiation pour faire découvrir aux enfants des processus cognitifs. Soit pour analyser la construction scénaristique ou informatique du programme - palette de couleurs utilisée, public visé, message - et en dévoiler les implicites. Un jeu vidéo dont le scénario repose sur l’assassinat ciblé, l’élimination de l'ennemi sans jugement, peut faire l’objet d’une discussion en classe, dans le cadre d’un cours d’éducation civique par exemple.
Cette émission a fait l'objet d'un exercice de sketchnoting, réalisé par Yann Poirson.
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