

Alors que la "littérature de témoignage" s'est constituée en véritable genre, la question se pose. Pourquoi, pour qui écrit-on un témoignage ? A-t-il une langue, une forme, des savoirs spécifiques ? Un tel récit est-il seulement un témoignage pour celui qui l'écrit, ou un texte comme un autre ?
- Judith Lyon-Caen Historienne, directrice d'études à l'EHESS
Premier volet d'une série consacrée au témoignage, nous recevons aujourd'hui Judith Lyon-Caen, maîtresse de conférences au Centre de recherches historiques de l'EHESS, établissement où elle tient aussi depuis plusieurs années avec Frédérik Detue et Charlotte Lacoste le séminaire "Savoirs du témoignage". Elle est aussi l'autrice du très remarqué ouvrage La Griffe du temps. Ce que l’histoire peut dire de la littérature paru chez Gallimard en février 2019.
Le témoignage prend plusieurs formes : Robert Antelme, Primo Levi, Charlotte Delbo, un "poilu" de la Grande Guerre
Le témoignage se pense-t-il seulement comme tel ? Et si ce n'est pas toujours le cas, qui le désigne comme un témoignage, comme un récit à valeur informative sur un événement, et par quels processus, et selon quels critères ? La question est vaste, elle touche à des événements nécessairement très divers - de la Shoah au génocide Rwandais - mais elle est d'autant plus cruciale que la "littérature de témoignage", ou "littérature documentaire", se constitue désormais comme un genre à part entière. Aux yeux de Judith Lyon-Caen, il serait peut-être plus pertinent d'envisager ces écrits comme des événements à eux seuls, et pas simplement comme des sources sur un événement...
Elle analyse les témoignages de la Grande Guerre : "Il y a un recours à la forme poétique considérable lors de la Grande Guerre. Ces cohortes alphabétisées, passées par un système scolaire qui formait à l'apprentissage et à la mémorisation de la littérature (souvent identifiée à la poésie et au roman), ces milliers d'individus donc confrontés à l'expérience de l'éloignement, de la guerre, du froid, de la souffrance vont s'emparer de ces ressources scripturaires pour exprimer ce qui leur arrive. (...) Cette place de la littérature dans la Grande Guerre est absolument fascinante".
Emanuel Ringelblum documente la vie dans le ghetto de Varsovie et cache ces témoignages
Judith Lyon-Caen évoque les écrits de la Seconde guerre : "je pense aux poèmes du ghetto de Varsovie comme ceux de Szlengen qu'il appelle lui-même "poèmes-documents", ou des recours à la fiction puisque certains survivants de la Shoah ont écrit pour raconter ce qu'ils avaient vécu, des romans, en construisant des personnages-types un peu dans une veine balzacienne. (...) Les formes sont extrêmement variées : Robert Antelme et "L'espèce humaine" dont Pérec a dit qu'il avait révolutionné le rapport à la vérité de la littérature, ou évidement le texte de Primo Levi "Si c'est un homme". Charlotte Delbo, quant à elle, écrit des pièces de théâtre et d'autres textes beaucoup plus sociologiques.
Elle cite le travail d' Emanuel Ringelblum pour documenter la vie dans le ghetto de Varsovie dont parle le livre de Samuel Kassow sur les archives du ghetto de Varsovie, intitulé Qui écrira notre histoire ? Sentant l’imminence de la fin, des archivistes autour d'Emanuel Ringelblum réussirent à cacher des milliers de documents dans des bidons de lait ou des boîtes en fer-blanc avant de les enterrer. L'excavation des archives. Son travail sur le poème de Wladyslaw Szlengel qui parle de la faim.
Cet entretien est illustré par deux archives d'un entretien en 1983 sur France Inter de l'écrivain Michel Borwicz, membre actif de la résistance polonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est une partie de sa vie qui est au centre de ses œuvres. Il évoque l'insurrection du ghetto de Varsovie et le déterrement des archives du ghetto.
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Production déléguée
- Production déléguée
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Réalisation
- Réalisation
- Réalisation
- Réalisation
- Collaboration