- Jean-Christophe Bailly Essayiste, écrivain
Sans remonter à Jules Michelet, et sans se référer à tout prix, à Ernest Lavisse, aujourd’hui réédités, il est des auteurs et des livres qui ont sur parler de la France autrement que sur un mode romantique ou hagiographique. Mais il est vrai qu’ils sont rares. Ils sont souvent le lot des écrivains voyageurs ou des peintres. Mais il existe quand même des livres de références qui déplient le paysage français et en restituent l’atmosphère. Ils sont souvent écrits par des amoureux ou des passionnés. Parmi eux, on trouve celui d’Ernst-Robert Curtius, « Essai sur la France », paru en 1932. Il y définissait la France, comme une terre du milieu, mais aussi sa littérature. Il plaisait à Valéry et Thibaudet, et fut souvent évoqué pour ne plus avoir à revenir sur ce qui faisait la différence entre le caractère français et le caractère allemand. Mais plus près de nous, il y a « L’identité de la France » de l’historien Fernand Braudel paru en 1986, que le Front National, aujourd’hui, cherche à récupérer. Ce livre devait constituer les assises véritables du destin de la France, une sorte de roman inachevé de son histoire, car pour une possibilité accomplie, combien d’autres se sont évanouies, disait le pape de l’histoire qui avait avec la France un rapport compliqué, forcément compliqué. Il y a aussi « Ma France » d’Eugen Weber, paru en 1991, et que l’on a tendance parfois à oublier. Il a ma préférence. Il versait un peu dans la francophilie, mais il prenait soin, ce qui est le minimum de distinguer la France et les Français, ce que l’on fait de moins en moins, avec la manie des sondages, et du participatif bon enfant. Voilà ce qu’il disait : « avec une fréquence qui m’enchante, l’exception, chez les Français, ne se borne pas à confirmer la règle c’est la règle. Dans le contexte de leur unité culturelle, les Français, en tant que Français et en tant qu’individus, sont totalement différents les uns des autres (…) Il existe tant de versions de l’histoire de France qu’il est difficile de dire ce que pourrait être la France ou ce que devrait être son histoire. Pourtant il y a incontestablement une France… »
Cette preuve d’une permanence de la France racontée par un juif autrichien – fou de vin blanc – et ayant fait carrière aux Etats-Unis, et qui a sans doute écrit le plus beau livre qui soit, sur la fin des terroirs, elle demeure intrigante…
Il y aura maintenant un autre livre de référence – que je situerai entre la tradition du voyage en France, le récit sceptique, et celle de l’amour durable incarné par Eugen Weber : c’est le livre de Jean-Christophe Bailly : « Le dépaysement », qui vient de paraître au Seuil.
L’auteur de ces nouveaux dépaysements sera notre invité de ce soir… et nous parlerons avec lui… de la France et des Français…
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Collaboration