Affaire Matzneff : les médias sont-ils autre chose que le reflet de leur époque ?

Etudiants lisant la presse en 1986
Etudiants lisant la presse en 1986 ©AFP - MICHEL GANGNE
Etudiants lisant la presse en 1986 ©AFP - MICHEL GANGNE
Etudiants lisant la presse en 1986 ©AFP - MICHEL GANGNE
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La sortie du livre de Vanessa Springora, "Le Consentement", aux éditions Grasset le 2 janvier dernier, nous interroge sur les médias et leur époque : sont-ils toujours le reflet de l'air du temps ?

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Dans Le Consentement, Vanessa Springora (invitée hier des Matins de France Culture) raconte comment à 14 ans elle s’est éprise de l’écrivain Gabriel Matzneff, 50 ans en 1986, et comment elle a progressivement pris conscience que son consentement n’était pas éclairé, que leur relation était en réalité de l’ordre non de l’amour mais de l’emprise d’un « ogre » pour reprendre ses mots, sur son esprit et sur son corps.

Le livre a paru jeudi mais dès le 23 décembre, Le Monde magazine publiait un long article intitulé « Les temps ont changé » dans lequel Dominique Perrin relate comment on est passé d’une époque où l’écrivain notoirement pédophile était encensé par le milieu médiatico-littéraire au malaise post #MeToo d’aujourd’hui… Depuis, c’est la vindicte, et l’autrice elle-même se retrouve prise dans un maelström qui semble lui échapper, même si certains jugeront qu’elle savait ce qu’elle faisait. Pour ou contre Matzneff, la pédophilie, les années 70-80, les soixante-huitards et leur morale permissive, la complaisance d’intellectuels et de journalistes influents… tout cela est devenu LE sujet médiatique.

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Or, au détour d’une phrase, dans son livre, Vanessa Springora écrit « Un média n’est jamais que le reflet de son époque »… C’est cette phrase que nous aimerions interroger aujourd’hui avec nos deux invités…

Jean-Claude Guillebaud, essayiste et journaliste à Sud-Ouest, ancien journaliste au Nouvel Observateur

A chaque période il y a eu des dérèglements, des folies. Quand j'ai publié la Tyrannie du plaisir, j'ai été moi-même lunché médiatiquement car on  me trouvait trop moralisateur, alors que ce livre était une étude pour comprendre comment se régulait à travers les civilisations la régulation sexuelle. Alors qu'aujourd'hui ce livre parait presque anodin. 

Laurent Joffrin, directeur de publication de Libération

Il ne s'agit pas de s'adapter à l'époque on défend des valeurs, il y a des moments où ces valeurs sont en décalages par rapport à l'époque et d'autres où ces mêmes valeurs sont admises et deviennent plus ou moins consensuelles. Les journaux sont ambigus de ce point de vue là, ils ne sont pas seulement le reflet de l'époque. C'est plus compliqué que cela en à l'air. 

Pour aller plus loin : 

« Les temps ont changé, il est devenu indéfendable » : dans un contexte post-#metoo, le malaise Gabriel Matzneff, Le Monde

Affaire Matzneff : avec “Le Consentement”, Vanessa Springora reprend la main sur son histoire, Télérama

Sylvie Brunel : « Non, l’époque de Gabriel Matzneff n’était pas complaisante ! », Le Monde

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