La dictature par le viol

La dictature par le viol
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A partir du livre Les proies - Dans le harem de Kadhafi*, de Annick Cojean (Grasset).*

**Avec : **

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Myriam MARZOUKI

Tobie NATHAN

Hyam RAYED

Tobie Nathan : « C'est un témoignage hallucinant, un coup de poing dans l'estomac, et c'est comme si tout le monde le savait : Khadafi gouvernait par le sexe, plus précisément par le viol. On a beau savoir que le dictateur était dérangé, on reste éberlué par une telle folie sexuelle en liberté à l’échelle d’une nation. On apprend qu’il lui fallait quatre nouvelles jeunes filles chaque jour, pubères, vierges, qui devaient se soumettre à tous ses désirs et ses violences.

Les viols quotidiens de Khadafi avaient pour but de terroriser la population, et sont devenus un mode de gouvernement. Cela éclaire un processus de la dictature : la recherche des complicités. Tout le système devient complice, et c'est ainsi que tient la dictature. Ce système patriarcal, avec de petits privilèges distribués aux uns ou aux autres, tient d’abord sur l'humiliation qui tient les gens par la honte et les rend complices. En suite, la trace psychique et physique marque ces femmes, qui deviennent aussi complices. Enfin, l’inscription dans la lignée amène à fabriquer des enfants qui seront nés du viol. »

Myriam Marzouki : « Ce livre est une bombe qui révèle une situation que tout le monde connaissait. On a l'impression d'atteindre un niveau d'irréalité totale, alors qu'on est en plein dans la réalité, entre l'horreur et le grand guignol. Le livre est évidemment un ouvrage militant pour la cause des femmes, qui parle du rapport entre viol et politique, et analyse l’un des outils de la dictature. En lisant le livre, j’avais une image en tête : la photo de Kadhafi accueilli en France à côté de Nicolas Sarkozy, et je me demandais comment une chose pareille a été possible. Quand le viol devient un mode de domination politique, cette chose ne pouvait pas ne pas être sue.

Mais ce livre ne doit pas faire oublier que le viol n'est pas une anormalité, au sens statistique du terme : il concerne toutes les sociétés, et toutes les couches de la société. »

Hyam Yared : « Ce livre m’a choquée et bouleversée. Il est frappant de voir que les femmes abusées vont aussi développer une attitude abusive vis-à-vis des générations suivantes. Ces femmes frustrées qui ont été abusées, avilies, transmettent cet avilissement à leurs enfants, parce que cela les rassure en quelque sorte.

On est en quelque sorte face à un syndrôme de Stockholm collectif. Tout cela est de l'ordre de la manipulation : Kadhafi a manipulé son peuple, par des techniques absolument atroces. Le fait qu'il soit un manipulateur explique peut-être sa présence à l’Elysée.

Ce qui est frappant, c’est que lorsque Annick Cojean a débuté son enquête, elle s’est heurtée à des réticences des femmes qu’elle interrogeait. Tant qu'il y aura ce silence, ce genre d'excès est susceptible d'exister. Il faut encourager le débat public sur les questions de sexualité pour mettre fin au sentiment de honte. »

**Sons diffusés : **

  • Archive : Annick Cojean dans "Le rendez-vous", 28/09/2012.
  • Bande annonce de la pièce Tabou de Laurence Février.
  • Chanson : "Island" de Heather Nova.

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