Victor Hugo et la politique : la République du Verbe

Portrait de Victor Hugo (1802-1885) par Léon Bonnat.
Portrait de Victor Hugo (1802-1885) par Léon Bonnat.  ©Getty - DEA / M. SEEMULLER
Portrait de Victor Hugo (1802-1885) par Léon Bonnat. ©Getty - DEA / M. SEEMULLER
Portrait de Victor Hugo (1802-1885) par Léon Bonnat. ©Getty - DEA / M. SEEMULLER
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Focus sur l'engagement politique de Victor Hugo, en discernant le fil rouge de son parcours hétéroclite de royaliste romantique devenu républicain panthéonisé : l'engagement politique par le langage et la littérature. Ses chevaux de bataille : la misère, la peine de mort, la laïcité, l'enseignement.

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"Moi, je vois vraiment les lignes de continuité. Son obsession, c'est la peine de mort. Et presque tous ses engagements viennent de choses qu'il a vues. C'est son fonctionnement : être bouleversé, choqué par ce qu'il voit (des enfants affamés, de la misère, des exécutions capitales, des gens applaudissant la guillotin.), être traversé, et penser par le Verbe. C’est la République du Verbe. Pour Hugo, le mot est vivant. Ce qui est important, c'est à quel point le langage, la parole, transforme les êtres, les états d’esprit et donc les choses." Geneviève Brisac

Une vie, une oeuvre
59 min

Le critique littéraire Marin de Viry abonde dans le même sens : "Il y a une densité d’événements politiques pendant la vie de Hugo, une densité de la relation entre politique et littérature, une densité de la vie privée de Hugo, et enfin une densité des textes dans le champ politique. […] Mais on peut toujours essayer de définir un facteur de cohérence dans l’évolution apparemment opportuniste d’Hugo, qui a été romantique, royaliste, adoubé par Chateaubriand à ses débuts, puis qui a fini en Républicain panthéonisé. Ce facteur de cohérence est double : d'une part, l’amour de la liberté, d'autre part, les exigences de la sensibilité empathique."

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Philippe Mangeot : "Qui doit-être souverain ?"

Mais cette sensibilité fait-elle de Victor Hugo un naïf, ou un inventeur génial de l'émotion en politique ? Le professeur de littérature Philippe Mangeot défend dans cette émission la deuxième option : "Hugo est politique aussi, et peut-être d’abord, dans sa pratique à la littérature. Le geste inaugural qui consiste à être contre la hiérarchie des genres, contre la hiérarchie des parlers, est un geste fondamental qui oriente toute la pratique politique, y compris dans l’hémicycle de Victor Hugo. (...) Il s’est relié quasiment à tous les régimes possibles, à l’exception notable de l’Empire. Pour autant, il y a la constance d’une question, c’est celle du sujet de l’histoire. Qui doit être souverain ? Hugo hérite de la Révolution française (...) Le sujet historique nouveau est le peuple. Donc, la grande question d’Hugo, qu’il n’a cessé de poser dans ses livres, dans l’hémicycle, c’est : comment on fabrique un peuple ? Comment faire advenir le peuple ? Comment faire en sorte que ce qui n'est pour l'instant qu'une foule, une populace, devienne un peuple, un sujet ?"

Le Pourquoi du comment : Histoire
3 min

Le peuple, canaille ou souverain radieux

"La particularité de Hugo est qu'il se tient à égale distance entre le pessimisme et l'optimisme anthropologiques. Ce n'est ni un rousseauiste qui pense que l'homme est profondément bon et que c'et la société qui entrave ses capacités à devenir meilleur, ni un conservateur qui pense qu'un péché originel empêche l'homme d'être bon. C'est cette équidistance qui explique son rapport au peuple : le peuple peut basculer vers la canaille par absence de conscience, et peut devenir un peuple souverain radieux en améliorant sa conscience." Marin de Viry

Marin de Viry : "Hugo cherche à prendre le pouvoir sur la politique par la littérature."

L'engagement politique tient ainsi une place considérable dans la vie de Victor Hugo. S'il en est même venu à entrer dans l'arène politicienne, les intervenants de l'émission insistent sur le fait que c'est avant tout par la littérature et le langage que l'engagement politique du poète s'accomplit. "Ce que la poésie hugolienne met en œuvre, ce n'est pas seulement la dénonciation par les mots de telle ou telle personne, c'est la dénonciation de ce qu'ils font par le langage et au langage. Il s'agit d'exercer poétiquement le pouvoir de la parole contre les paroles du pouvoir." Philippe Mangeot

  • Par Caroline Broué
  • Réalisation Peiré Legras
  • La Grande Table 6 juin 2013
  • avec Philippe Mangeot, Geneviève Brisac, Marin de Viry

Sons diffusés :

  • Extrait de l’émission "Concordance des Temps" du 6 décembre 2008
  • "La chanson de Dea", interprétée par Juliette (album "No Parano")

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