

Nos critiques ont lu le nouveau Corto Maltèse et Le grand vide de Léa Murawiec. Décrouvrez leurs avis...
- Victor Macé de Lépinay Producteur
- Sarah Ihler-Meyer Critique d'art et commissaire d'exposition
La Grande Table Critique : chaque vendredi, une poignée de critiques passionnés échangent et se disputent autour de films, de livres, d’expositions, de disques, de bande-dessinées, etc... On y parle de l’actualité culturelle avec enthousiasme et contradiction.
Au sommaire de cette Ă©mission, deux bandes dessinĂ©es : "Corto Maltèse - OcĂ©an noir" de Bastien Vivès et Martin Quenehen aux Ă©ditions Casterman et "Le Grand vide__" de LĂ©a Murawiec aux Ă©ditions 2024.Â
Pour en parler, aux côtés de Lucile Commeaux :  Sarah Ihler-Meyer, critique d’art et commissaire d’exposition et Victor Macé de Lépinay, journaliste et critique
đź’¬   -  Le Grand vide de LĂ©a MurawiecÂ

La BDÂ :Â
LĂ©a Murawiec a 27 ans, on imagine que son hĂ©roĂŻne Manel Naher a Ă peu près le mĂŞme âge. Elle vit dans une grande ville plantĂ©e de buildings bleus et rouges dont les nombreuses enseignes inscrivent des patronymes. Partout dans l’espace public, le nom des gens, et pour cause Manel vit dans un monde oĂą pour survivre, il faut de la “prĂ©sence”, c’est-Ă -dire suffisamment d’attention d’autrui pour ne pas s’évanouir dans le nĂ©ant. Un jour Ă la bibliothèque qu’elle frĂ©quente assidĂ»ment elle dĂ©couvre qu’une chanteuse cĂ©lèbre porte exactement le mĂŞme nom qu’elle, et que par consĂ©quent elle est menacĂ©e.Â
L’avis des critiques :
â–şâ–şâ–ş Ce qui frappe en premier lieu quand on lit cette bande dessinĂ©e, c'est la très grande qualitĂ© et la très grande libertĂ© du dessin de LĂ©a Murawiec. Elle peut passer, au sein d'une mĂŞme planche, d'un dessin plutĂ´t rĂ©aliste Ă un dessin très synthĂ©tique, quasiment caricatural, voire cartoonesque.  Cette inventivitĂ©, cette libertĂ© graphique ne tourne pas Ă vide, puisqu'elle est au service de ce que l'on appelle "l'Ă©conomie de l'attention" dans un univers de science-fiction dystopique dont elle tire toutes les possibilitĂ©s Ă la fois d'un point de vue scĂ©naristique, dramaturgique et graphique. C’est remarquable !  Â
Sur le plan narratif, c’est un récit de l'ordre de la fable, et comme toute fable, il y a une forme de morale, au sens strict d'une étude de mœurs, que je trouve très drôle et en même temps cinglante et juste.  Sarah Ihler-Meyer
►►►A travers cette bande dessinée, j'ai vraiment découvert une jeune autrice talentueuse. Léa Murawiec ose un dessin hyper énergique, hyper fluide, qui varie et n'essaye pas de se ressembler à lui-même. Sa grande maîtrise graphique est impressionnante. C'est une bande dessinée faite à la plume, à la main et cela lui donne une profondeur, un grain, une grande lisibilité et une grande inventivité. C'est assez touchant. La narration est l’autre point fort de ce récit. On arrive très vite à comprendre le monde dans lequel vit cette héroïne pleine d'énergie, pleine de fougue, quelles sont les règles qui le régissent, et ce, avec l'émotion toujours en premier lieu. C’est vraiment une des grandes réussites de ce livre. Victor Macé de Lépinay
- Plus d’informations : "Le Grand vide" de LĂ©a Murawiec aux Ă©ditions 2024Â
💬   -  Corto Maltèse : Océan noir » de Bastien Vivès et Martin Quenehen
Corto Maltese, figure emblĂ©matique de la bande dessinĂ©e apparaĂ®t pour la première fois en 1967 sous la plume de l’italien Hugo Pratt, au dĂ©part il est un personnage secondaire, qui devient vite le hĂ©ros d’une sĂ©rie parue en France dans le journal Pif Gadget. Corto Maltese est un aventurier sĂ©duisant et flegmatique, lecteur invĂ©tĂ©rĂ© et amateur de grandes lĂ©gendes, nĂ© Ă Malte Ă l’orĂ©e du 20e siècle il voyage un peu partout, affrontant les affres de son temps.Â
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La BDÂ :
“Océan noir” plonge Corto Maltese dans un contexte mondialisé et sensible, puisqu’il assiste, alors qu’il est en face d’un agent de la CIA à un coup de fil annonçant qu’un avion a percuté une tour du World Trade Center.
Il y est comme toujours nĂ©anmoins Ă la recherche d’un archaĂŻque trĂ©sor, dont la cachette lui est rĂ©vĂ©lĂ©e dans un livre appartenant Ă un vieux japonais nostalgique de l’Empire. Bastien Vivès reprend la manière première du noir et blanc, Corto a toujours sa dĂ©gaine de tombeur et son anneau Ă l’oreille, mais il est plus souple, tout y est assez fluide, un signe des temps peut-ĂŞtre…Â
L’avis des critiques :
►►► J'étais assez curieux et impatient de découvrir ce que Bastien Vivès allait faire de Corto Maltese et ce que l’on peut dire, c’est que cet album est un bon Vivès. On peut y voir un  Bastien Vivès plus appliqué que d’habitude. Ses dessins sont plus aboutis, il a soigné ses décors et les regards et il a toujours cette façon de composer les images, de les construire, qui est assez virtuose. Je ne crois pas qu'il revendique Hugo Pratt dans ses influences, il n'est pas vraiment dans sa lignée, mais il y a quand même des points communs entre eux, notamment cette maîtrise du noir et blanc qui est assez importante non seulement du trait, mais aussi de la masse de noir. Pratt était évidemment un maître du noir et blanc et Vivès avec sa palette graphique est aussi un grand maître d'aujourd'hui avec sa propre grammaire. On peut pas reprocher à Bastien Vivès de dessiner comme lui-même, et cela aurait été absolument absurde qu'il essaye de singer ou d'imiter Pratt, donc si on aime Bastien Vivès, on se régale à la lecture de cet album. Victor Macé de Lépinay
►►►Cette bande dessinée n’est pas déplaisante à lire mais je ne crois pas qu’elle renouvelle le regard sur Corto Maltèse. Il est vrai que le choix de Bastien Vivès au dessin est judicieux puisque dans le paysage de la bande dessinée contemporaine, avec son trait lâché et ses grands aplats de couleur noire notamment, c'est peut être un des dessinateurs dont le style est le plus proche d'Hugo Pratt. Néanmoins, l'aspect plus détaillé et plus rond du dessin de Vivès me font regretter l'aspect plus tranchant et épuré du style d'Hugo Pratt et donne à cette album un aspect plus classique, voire mainstream. Du côté de la narration, je déplore que l'ensemble des faits historiques et politiques qui sont convoqués ici viennent seulement ponctuer le récit sans devenir une véritable matière dramaturgique. On a l'impression que Bastien Vivès et Martin Quenehen ont cherché à cocher le maximum de cases d'enjeux contemporains sans avoir de regard sur le sujet et cela donne un côté un peu superficiel à cette BD, là où les récits d'Hugo Pratt sont au contraire très denses, avec différentes strates de lectures et différentes strates d'histoires. Ici, on a affaire à une fausse densité, une saturation d'informations, mais qui reste à la surface. Sarah Ihler-Meyer
- Plus d’informations : "Corto Maltèse - Océan noir" de Bastien Vivès et Martin Quenehen aux éditions Casterman
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