

Après le grand écran, Abderrahmane Sissako nous propose au théâtre du Chatelet un opéra moderne, "Le Vol du Boli", explorant les relations entre l'Europe et l'Afrique à travers les âges...
- Abderrahmane Sissako Cinéaste et producteur mauritanien
Abderrahmane Sissako, cinéaste mauritanien récompensé notamment de plusieurs césars pour son film "Timbuktu" (2014) , emmène cette fois-ci l'Afrique sur la scène du Théâtre du Chatelet à Paris, aux côtés du musicien britannique Damon Albarn (leader des groupes Gorillaz et Blur). Ensemble, ils créent un opéra moderne conçu dans le cadre de la Saison Africa2020, opéra qui retrace l'histoire des relations entre l'Afrique et l'Europe : " Le Vol du boli". C'est Damon Albarn qui a demandé la présence d'Abderrahmane Sissako : « Il fallait quelqu’un pour porter auprès de moi un regard et un vécu africains ».
Le cinéma, c’est l’art de l’image, mais aussi du mouvement, du corps, de la musique, du silence. On retrouve tout cela dans le théâtre et dans « Le Vol du Boli ». Cette fois-ci, je passe par le théâtre, mais pour rester moi-même, rester dans ma prise de parole au sujet de la société. (Abderrahmane Sissako)
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Le titre du "Vol du boli" part d'une anecdote rapportée par Michel Leiris dans L'Afrique fantôme : lors de sa mission ethnographique de 1931, ce dernier vole un "boli", fétiche magique de la culture animiste bambara, dans le but d'enrichir les collections du Musée de l'Homme. Des années plus tard, il confie sa honte d'avoir commis un tel acte :
Je perçois avec plus d’audace l’énormité de ce que nous commettons. (…) Je constate avec une stupeur qui, un certain temps après seulement, se transforme en dégoût, qu’on se sent tout de même joliment sûr de soi lorsqu’on est un blanc et qu’on tient un couteau dans sa main. (Michel Leiris, L'Afrique fantôme)
Ce qui est fort dans L’Afrique fantôme, c’est cette page où Leiris décrit son remord. Cela veut dire qu’au-delà de l’exploitation, il y a le vol de l’identité d’un peuple, le déni de sa culture. Je pense que cela fait partie des blessures réelles de ce continent. (...) Cet objet [le boli] est un prétexte pour alerter sur les vols qui continuent aujourd'hui : on exploite des pays qui sont fragiles politiquement. (Abderrahmane Sissako)
Ce boli est encore aujourd'hui exposé au Musée du Quai Branly à Paris. Le vol de Michel Leiris, représenté sur scène et joué par François Sauveur, est un point départ pour la réflexion plus large qui se déploie dans le spectacle. L'objet cristallise cette relation de pillage, de cruauté qui s'est établie entre l'Europe et l'Afrique, depuis le commerce triangulaire jusqu'à notre mondialisation contemporaine, en passant par des enjeux comme la mobilisation des tirailleurs pendant la guerre, la prostitution, l'exploitation des ressources minières, etc.
Je l’ai dit d’emblée : si on m’invite à écrire un opéra, il sera politique. (Abderrahmane Sissako)
Et, de fait, le propos est politique dès son prologue, énoncé par l'acteur Jupiter Bojondki. Le musicien de Kinshasa nous raconte l'exploitation du caoutchouc dans son pays.
Avant que le spectacle ne commence, j’ai pensé à la nécessité d’avoir un prologue qui nous parlerait du contexte actuel pour ouvrir le spectacle. Je suis là pour beaucoup d’autres gens qui se sont battus, dont Jupiter, qui s’est beaucoup battu au Congo à travers sa musique. (Abderrahmane Sissako)
C'est surtout un spectacle en danse et en musique qui a été pensé par le duo Damon Albarn - Aberrahmane Sissako, notamment porté par la voix envoûtante de Fatoumata Diawara, actrice fétiche du réalisateur qui incarne tour à tour Sogolon - la mère de Soundiata Keïta, le fondateur de l'empire mandingue -, puis la femme magique, une griotte, une esclave, et enfin la patronne d'un maquis.
Chuchoter quelque chose est mieux que de le crier. C’est une évidence dans la création artistique. Il faut transformer le cri en chant, la douleur en mouvement du corps, en quelque chose d’harmonieux tout en étant un combat. (Abderrahmane Sissako)
Extraits sonores :
- Michel Leiris dans l'émission "A voix nue", le 01/01/1968
- Fatoumata Diawara dans l'émission "Babel sur Seine", le 16/06/2018, suivie d'un extrait du "Vol du boli"
- Damon Alban dans l'émission "Popopop", le 28/09/2020
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