Picasso et le stigmate de l'étranger

Picasso dans son studio à Paris
Picasso dans son studio à Paris ©Getty - Bettmann / Contributeur
Picasso dans son studio à Paris ©Getty - Bettmann / Contributeur
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L'historienne Annie Cohen-Solal, auteure de l'essai "Un étranger nommé Picasso" (prix Femina Essai) et commissaire de l’exposition "Picasso l’étranger" au Musée de l’histoire de l’immigration nous parle aujourd'hui d'un géant de l'art du XXe siècle sous l'angle inédit de sa nationalité étrangère.

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Annie Cohen-Solal, historienne, biographe, essayiste, et spécialiste du cosmopolitisme en art a choisi une perspective encore inexplorée pour redécouvrir la star qu'est Pablo Picasso. Plutôt que de s'intéresser au grand maître du cubisme et au chef de file de l'Avant-garde, l'essayiste s'attache à retrouver le Pablo Ruiz Picasso, jeune espagnol à peine majeur qui débarque à Paris en 1900 alors qu'il ne parle pas encore français.

Qui est Picasso en France, mais aussi quelle est la France qui accueille et rejette tout à la fois un Picasso qui ne sera jamais naturalisé, telles sont les questions auxquelles répondent l'essai Un étranger nommé Picasso : dossier de police 74.664 ( Fayard, avril 2021) pour lequel Annie Cohen-Solal a reçu le prix Femina Essai, ainsi que l’exposition qui lui fait suite : Picasso l’étranger au Musée de l’histoire de l’immigration (jusqu’au 13 février 2022), dont elle est la commissaire.

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Cet angle, "Picasso l'étranger", est un angle très intéressant et très cohérent avec les recherches que je mène depuis plus de trente ans sur l'art. Ce qui m'intéresse, c'est de croiser deux éléments : le monde de l'art avec le déplacement de ses agents (les marchands, les écrivains et les critiques) et l'histoire de l'immigration. (Annie Cohen-Solal)

Annie Cohen-Solal travaille cette double approche de l'artiste peintre mondialement reconnu d'un côté et du jeune immigré anonyme débarquant à la capitale de l'autre en visitant les expositions consacrées à Picasso, et en allant consulter son dossier de police conservé aux archives d'autre part. L'essayiste ne tarde pas à voir que les visions de ce Picasso de la lumière et celles de ce Picasso de l'ombre divergent de beaucoup !

Une archive c'est quelque chose qui vous bouleverse !.. La beauté de mon enquête a été splendide ! J'ai passé cinq années magnifiques [...] Je trouvais qu'il y avait un véritable gouffre entre d'une part ce que moi je découvrais aux archives, et ce que montraient les expositions, qui était surtout des œuvres. Donc il y a une approche formaliste, qui analyse les œuvres d'un point de vue esthétique, et il y a mon approche sociale, anthropologique et historique. (Annie Cohen-Solal)

Si Picasso restera fidèle au territoire français toute sa vie, quittant Paris pour s'établir ensuite à Antibes dont il sera fait citoyen d'honneur, la France elle mettra longtemps à le reconnaître :

Il n'y avait qu'un lieu alors pour devenir artiste : c'est Paris, c'est une espèce de lampe qui attire comme des papillons les artistes du monde entier. (Annie Cohen-Solal)

C'est en 1945 que les premiers tableaux de Picasso, donnés par l'artiste, rentrent officiellement au Musée d'art moderne - des années après les musées des Etats-Unis ou des pays d'Europe de l'Ouest. C'est à cette occasion que Jean Salles, directeur des musées nationaux, lâche la phrase mythique :

Aujourd'hui cesse enfin en France le divorce entre l'Etat et le génie. (Jean Salles)

La Grande Table idées
32 min

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