C'est au poète Paul Celan que l'artiste allemand Anselm Kiefer dédie son exposition au Grand Palais Ephémère, poursuivant un travail sur la mémoire européenne et sur le Mal. Est-il possible de représenter l'innommable ? Avec l'aide de la poésie, peut-être.
- Anselm Kiefer peintre et sculpteur allemand
Cela fait des décennies que la poésie de Paul Celan habite l'artiste plasticien allemand Anselm Kiefer. Depuis sa découverte du poème_Todesfuge_ (Fugue de mort) au lycée, l'artiste a dédié de nombreuses œuvres au poète rescapé des camps de concentration, jusqu'à lui consacrer une première exposition à Salzbourg en 2005. Les peintures d'Anselm Kiefer sont habitées par des fantômes du passé, traversées d'obsessions sur le Mal et la faute allemande qui sont personnifiés dans des paysages dévastés, où ne survit que le néant. Comme il l'explique, "Le nouveau n'est pas pensable sans l'ancien. [...] Pour créer une chose nouvelle il faut la mémoire. On ne peut créer de nouveau sans les choses du passé. L'enfance et encore plus loin. Je descends jusqu'au temps archéologique ou cosmique."
Du 16 décembre 2021 au 11 janvier 2022, c'est au Grand Palais Ephémère que sera exposée Pour Paul Celan, une série de toiles et de sculptures inspirée par le poète et ses vers fracturés, mystérieux, douloureux. Anselm Kiefer et Paul Celan s'y rencontrent sur une question centrale à leurs œuvres respectives : comment continuer à créer après la Shoah ? Comment être un artiste de culture et de langue allemande après le déraillement du XXème siècle ?
A l'aide des vers de Paul Celan, que l'artiste inscrit à la craie blanche sur ses toiles sombres, Anselm Kiefer utilise la poésie - l'unique réalité possible pour l'artiste - pour réintégrer l'Histoire au champ pictural. "Qu'est-ce que je peux faire pour vénérer le poète ?", se demande Anselm Kiefer, "utiliser mes tableaux comme une ardoise. Je voulais être une ardoise pour Paul Celan." Dans ses oeuvres, la nature n'est que pluie de cendres ou champ de neige silencieux. Et pourtant, parmi les ruines, les cendres et le néant, les matériaux se transforment. Plomb, paille, fougères, brûlures, cendres laissent pointer des morceaux d'or. Laissent proliférer des champignons. La vie reprend. Destruction et création sont liées. Comme l'écrit Paul Celan dans Auf der klippe (Sur la falaise) : "Qui dit que tout est mort pour nous quand notre œil s’éteignit ? Tout s’éveilla, tout commença".
Au Grand Palais Ephémère, Olivia Gesbert et Anselm Kiefer déambulent parmi les oeuvres et laissent se dessiner, toile par toile, la poésie d'une mémoire retrouvée.
Anselm Kiefer présente même un bout de son Arsenal, atelier et collection d'objets. Il y a : "des choses qui concernent la poésie de Paul Celan, qui me font penser à Celan. […] Il y a des pavots pour ne pas oublier, des valises pour personnifier le Juif errant, là des verres cassés, un élément de la philosophie juive. Au moment de la création, Dieu aurait donné un endroit libre pour que le monde se développe lui-même. Le monde se créé et Dieu verse sa grâce sur le monde, et quelques vases se brisent car c’était « trop ». Quand on se marie, on casse la vaisselle et ça vient de là."
Extraits sonores
- Lecture du poème de Paul Celan par Gérard Depardieu
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