Extension du domaine de la littérature, avec Alexandre Gefen

Homme entouré de livres, Montevideo, avril 2020
Homme entouré de livres, Montevideo, avril 2020 ©AFP - PABLO PORCIUNCULA
Homme entouré de livres, Montevideo, avril 2020 ©AFP - PABLO PORCIUNCULA
Homme entouré de livres, Montevideo, avril 2020 ©AFP - PABLO PORCIUNCULA
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Qu'est-ce que la littérature ? Peut-on la définir et surtout la circonscrire ? On en parle avec Alexandre Gefen, directeur de recherche au CNRS et critique littéraire, qui publie "L'idée de littérature : de l'art pour l'art aux écritures d'intervention" (Corti, février 2020).

Avec

Alexandre Gefen est critique littéraire et enseignant chercheur à l’université. Directeur de recherche au CNRS, il travaille sur la théorie littéraire, les littératures contemporaines, les écritures et les humanités numériques. Son essai Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle (Corti, 2017) a connu un vaste succès en dehors même des études littéraires.

Nous le recevions à La Grande Table à cette occasion en 2017. Déjà, il nous expliquait que les écrivains ne sont aujourd'hui plus des êtres autonomes et marginaux mais confrontés à leur temps, avec une littérature innervée par la culture américaine du care. Désormais nous sommes attachés aux bienfaits de la lecture et de l’écriture comme activités permettant de surmonter les difficultés. Une vertu de résilience par la littérature, qui s'est montrée particulièrement importante en temps de crise sanitaire, un temps marqué par un retour vers le lecture, et même vers la pratique de l'écriture, qui se démocratise. Aujourd’hui, c’est aussi par la littérature que l’on pourrait faire communauté

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Il y a des manières plus ou moins intenses, ardentes, de s’emparer du langage… (...) On doit pouvoir faire cohabiter des écrivains de la langue, de la réflexivité. (Alexandre Gefen)

La Grande table (2ème partie)
34 min

Ce nouvel essai, L'Idée de littérature, de l'art pour l'art aux écritures d'intervention (Corti, 2021) explore l'historicité du concept de "littérature", une idée que nous pensons à travers des concepts hérités de sa définition romantique : le génie, le Beau, le style... En fait, cette conception esthétique de la littérature, qui a configuré depuis deux siècles le champ littéraire, est aujourd’hui bouleversée par les pratiques littéraires contemporaines, comme remplacé par une nouvelle conception du fait littéraire : on passe d’un régime littéraire fermé à un régime ouvert.

Il y a une distinction formulée par André Gide qui oppose les écrivains pour qui la littérature est une fin et ceux pour qui c’est un moyen. (Alexandre Gefen)

Le champ littéraire contemporain se caractérise en effet par son mouvement d’expansion, qu'elle soit sociologique avec une transformation de la figure de l'auteur et une démocratisation de la littérature, disciplinaire avec une ouverture sur la musique (pensons au Prix Nobel de la littérature d'un Bob Dylan) ou le journalisme (non-fiction), géographique dans une mondialisation de la littérature, thématique dans son retour sur le monde, etc.

Il y a des manières plus ou moins intenses, ardentes de s’emparer du langage. On peut s’en emparer pour poursuivre une expérience, et on doit pouvoir faire cohabiter des écrivains de la réflexivité, des écrivains qui viennent du journalisme avec d’autres qui touchent aux domaines de l’anthropologie ou de l’ethnologie. (Alexandre Gefen)

Ainsi nous ne serions pas tant dans l’ère de "la mort de la littérature" comme certains le supposent que dans la fin de l’idolâtrie de l’intransitivité de la littérature. Il faut alors prendre en compte de nouvelles normes du littéraire que celles proposées par la définition esthétique de la littérature, désormais concurrencée par une littérature d'intervention, en prise directe avec le monde.

La beauté a son utilité. Elle permet de sortir un peu du monde. Ce qui me gêne c’est l’idée que la littérature doit être son propre culte, un écrivain comme Blanchot qui finit par ne plus écrire. La beauté, cette épiphanie, a aussi sa place comme un mode de relations parmi d’autres, que l’on peut et que l’on doit peut-être avoir avec les choses. (Alexandre Gefen)

Certains écrivains sont encore dans la doctrine de l’art pour l’art et tout ce qui va avec, c’est à dire le désintéressement, ne pas gagner d'argent, ne pas avoir de succès, ne pas être compris, rester seul.. Cette doctrine, ce que j’appelle l’idéologie esthétique parfois continue à infuser beaucoup de jeunes poètes qui font des choses magnifiques. Beaucoup d’écrivains maintenant viennent  à l'écriture pour une mission de dévoiement, d’enquête. (Alexandre Gefen)

A noter que Alexandre Gefen donnera une conférence inaugurale (jeudi 25 février) au festival Effractions de la BPI qui se tiendra jusqu'au 1er mars 2021.

La Grande table idées
33 min

Extraits sonores:

  • Roland Barthes et la littérature qui pose la question “Qu’est ce que la littérature ?”, Lectures pour tous, 1964
  • Françoise Sagan et Clara Malraux, RTF / ORTF, 1967
  • Anaïs Nin, RTF / ORTF, 1974
  • Sartre, INA, 1980
  • Bob Dylan, réception du Prix Nobel, 2017
  • Jean-Paul Sartre, Un philosophe actuel, 1967

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