Sur la folie et la psychiatrie, avec Marius Jauffret, pour son livre "Le Fumoir" (Anne Carrière), et Gringe, pour "Ensemble, on aboie en silence" (Harper Collins).
- Gringe Rappeur et comédien
- Marius Jauffret auteur
"Chaque année, 100 000 personnes sont internées en France" : c'est en ces termes que s'ouvre le tout premier livre de Marius Jauffret, Le fumoir. Partant de sa propre expérience d'internement sous contrainte (une HDT, hospitalisation à la demande d'un tiers) pendant dix-huit jours dans un asile, l'écrivain en herbe porte la voix de tous ces exclus de notre société qui se retrouvent internés contre leur consentement.
Deux psychiatres se mettent d’accord pour un mensonge. Tout part de là. C’est là que cette odyssée en psychiatrie a commencé.
(Marius Jauffret)Publicité
J’ai préféré publier un roman de non-fiction car je me sentais un devoir absolu d’écrire sur ce problème en France, l’HDT, pour ceux qui n'ont pas la liberté de s'exprimer. J’espère être digne de leur parole. (...) Il faut profiter du temps qu’on a en étant libre. Tout le monde n’est pas libre. Quand vous avez la parole et que vous êtes libres, il faut toujours se souvenir de ceux qui n’ont pas cette liberté, et en profiter.
(Marius Jauffret)
Son récit glaçant revient sur les méthodes employées par le corps médical, ces blouses blanches qui soumettent selon lui les patients au régime de la peur, de l'infantilisation et de la déshumanisation. On y croise par exemple le terrible "docteur Faucon", qui règne en tyran sur son unité médicale et que les patients remercient poliment lorsqu'ils obtiennent l'autorisation de sortie. Un cri de révolte écrit des années après cette expérience traumatique. Un livre qui permet peut-être de se reconstruire.
Le comportement normal, quand on vous enferme alors que vous n’avez rien fait, c’est de crier, d'hurler. Mais si vous le faites à l'hôpital psychiatrique, on vous enferme. Faire le bon garçon, c’est un comportement complètement anormal dans cette situation, et, pourtant, c’est celui que l’on adopte. Il faut jouer la comédie. Interné, je ne laissais rien paraître de mes attaques de panique, de peur de reprendre 6 mois.
(Marius Jauffret)
C'est aussi une exploration des conséquences sociales et familiales de la maladie psychiatrique qu'explore Gringe dans son premier livre, Ensemble, on aboie en silence. Il avait déjà évoqué la schizophrénie de son petit frère Thibault dans une de ses chansons, " Scanner". Elle fait aujourd'hui l'objet d'une collaboration écrite à quatre mains avec ce partenaire de toujours, son frère. Le récit alterné nous plonge dans leur relation fraternelle mise à l'épreuve de la maladie. On retrouve aussi la question des traitements réservés aux personnes atteintes de troubles psychiatriques lors de l'évocation de la sismothérapie et de l'HDT de Thibault.
Ce livre a été écrit à quatre mains avec le consentement fluctuant de mon frère. Il a fallu que je le rassure énormément. Le regard que je porte sur la schizophrénie de mon frère, c’est uniquement ce que j’en comprends. Il fallait absolument qu’il m’ouvre ses portes.
(Gringe)
Mon frère, je le vois libre, et moi dans son sillon. On évolue hors du temps tous les deux, nous sommes deux contemplateurs, avec notre propre fuseau horaire.
(Gringe)
Dans les deux livres, écrire semble être une manière de se réapproprier son histoire, de résister, mais aussi de témoigner d'une situation que les auteurs ont à cœur de partager avec des lecteurs ignorant peut-être tout de ce monde parallèle à la société "normale", cet espace clos, celui de la psychiatrie.
L’écriture autobiographique permet de se revivre.
(Gringe)
Extraits sonores :
- Gringe, "Scanner" feat. Léa Castel, dans son album "Enfant lune"
- Michel Foucault à propos de son Histoire de la folie, aux matinées de France Culture, enregistré le 08/09/1972
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