Raconter la vie, le plaisir et la mort en BD avec Jean-Louis Tripp

Le Petit Frère  p.15
Le Petit Frère  p.15 - Jean-Louis Tripp
Le Petit Frère p.15 - Jean-Louis Tripp
Le Petit Frère p.15 - Jean-Louis Tripp
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Olivia Gesbert reçoit l'auteur de bande dessinée Jean-Louis Tripp pour "Le petit frère" (Casterman).

Avec

Après la saga Magasin Général co-dessinée avec Régis Loisel et après les deux premiers tomes de son introspection sur la vie sexuelle dans Extases, Jean-Louis Tripp revient sur un épisode traumatique de son adolescence **: la mort de Gilles, Le Petit Frère, qui a été fauché par une voiture sur une route de Bretagne à l'été 1976. Pour ce nouveau récit, il s'est replongé dans les archives familiales et a collecté les témoignages des membres de sa famille. On le voit dans la bande dessinée à plusieurs reprises en conversation Skype avec sa mère pour parler d’un événement précis autour de la mort de Gilles. Tripp reproduit au cours de l'histoire le procès-verbal de l'accident, la lettre que sa mère a envoyée au chauffard. "Je travaille sans scénario, explique Jean-Louis Tripp. Donc je ne sais pas à l'avance combien de pages va faire le livre. […] J'ai une idée assez claire, parce que c'est de l'autobiographie, de ce que je veux raconter. C'est ma vie, je la connais. Et donc après, je me pose la question au fur et à mesure : Quel est le meilleur moyen de rendre compte, de partager une émotion ? Et là, tous les moyens sont bons. C'est-à-dire entre l'écriture, le dessin, le rapport entre le texte et l'image, la manière de mettre en page... Est-ce que je fais une séquence plutôt narrative ou est-ce qu'au contraire je fais un truc avec plutôt une image extrêmement forte ? Tout dépend de ce que j'ai à raconter et je le fais au fur et à mesure. C'est de l'écriture, c'est comme écrire un roman, mais il y a des dessins."

La mémoire et la vérité sont au centre de son travail autobiographique dans Extases comme dans Le Petit Frère. Il s'agit de coller au plus près du réel et pour cela de redécouvrir des épisodes oubliés de l'enterrement ou du procès. Loin d'être un récit de colère, "Le Petit Frère" est surtout une histoire de reconstruction et une tentative, 45 ans après le drame, de comprendre les conséquences que l'accident de Gilles ont eu sur tous les membres d'une famille plongée dans le silence.

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Une image revient régulièrement au cours de l’album : celle des deux mains qui s’éloignent. C’est celle de Jean-Louis et celle de Gilles au moment de l’accident. "J'ai peut-être fait tout ce bouquin pour dessiner la seule chose que je n'ai pas vue, c'est-à-dire le choc, dit l'auteur. C'est allé tellement vite que j'ai senti la main qui partait. J'ai vu une espèce d’éclair vert comme ça, qui passait dans l'espace entre les deux roulottes, donc sur quelques mètres, très vite. Et puis mon frère n'était plus là... Je n'ai pas vu le choc mais je l'ai beaucoup imaginé. Donc peut-être que j'ai dessiné ce bouquin entier pour faire cette page-là." Avec le découpage très cinématographique et le travail sur le noir et blanc et le retour progressif de la couleur, Jean-Louis Tripp donne à ressentir la douleur et la culpabilité mais aussi le sentiment que la famille finit par retrouver un peu d'apaisement au fil des années.

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