Richard Powers entre nature et culture

Richard Powers est un des auteurs américains les plus connus dans le monde : il a notamment reçu le National Book Award en 2006 pour La Chambre aux échos (Le Cherche-Midi) et le Prix Pulitzer en 2019 pour son magnifique roman L’Arbre-monde (Le Cherche-Midi).

Sidérations (Actes Sud) est imprégné à chaque instant de la conscience écologiste typique du « style Powers » mais sa portée est plus intime que dans L’Arbre-Monde, roman tentaculaire aux multiples ramifications. Dans un double mouvement, Richard Powers nous fait lever le nez vers les étoiles pour voyager dans l'infiniment grand et nous amène aussi au cœur du monde vivant, dans la nature, au plus près des animaux qui nous entourent.

Il y a du sens à s'engager pour l'avenir. C’est le sentiment d’être connecté, d’être plus grand que soi-même qui motive le plus les gens. C’est pourquoi mon récit commence avec ce jeune garçon qui est terrifié et en colère et qui trouve peu à peu un sentiment d’enthousiasme, d’excitation et de sens en lien avec un monde plus qu’humain. C’est là où le lecteur commence à se dire : "Ah, il y a un chemin vers l’avenir !". (Richard Powers)

Un roman inspiré des maux de notre temps

Le roman a lieu dans un futur proche où l’Amérique est en crise politique, où les catastrophes naturelles sont nombreuses (ouragans, inondations, incendies), où les tensions entre la Chine et les États-Unis sont à leur comble. Theo Byrne, astrobiologiste, élève son fils Robin, 9 ans (diagnostiqué Asperger et TDAH), qui a des problèmes de comportement depuis la mort de sa femme. Tous les soirs, avant de se coucher, Theo "fait visiter" à son fils des planètes imaginaires aux formes de vie multiples. Mais, suite à un incident à l'école, menacé d'être obligé de soumettre Robin à un traitement médicamenteux, Theo choisit de faire suivre à son fils un traitement expérimental de neurofeedback qui consiste à lui faire reproduire les schémas cérébraux d'autres personnes pour qu'il apprenne à contrôler ses émotions.

La plus grande partie du livre s'occupe de cette question : "Comment protéger au mieux cet enfant de lui-même et du monde ?". L’histoire est racontée à la première personne du singulier. C'est le journal de Theo sur sa relation avec son fils. Theo confesse qu’il est un petit peu largué sur le fait d’éduquer Robin parce qu’il est en conflit avec les recommandations et les ordonnances des médecins [...] Une des choses qui va calmer Robin, c’est quand Theo commence à lui raconter des histoires, pour l’endormir, sur d’autres planètes. Ces planètes sont tirées du travail de Theo comme astrobiologiste. Ça devient un port, une sécurité pour emmener Robin dans un endroit calme et ce que la vie pourrait faire dans un autre lieu. (Richard Powers)

Avec ses descriptions fulgurantes du monde naturel, sa vision jubilatoire (et très documentée) de la vie dans l'espace et son récit de l'amour inconditionnel d'un père pour son fils, Sidérations est peut-être le roman le plus réussi et émouvant de Richard Powers. Au-delà du constat sur l’état de la planète et des avancées scientifiques sur la compréhension de la machine cérébrale, le cœur du roman se résume à la question que se pose aujourd’hui tout parent : "Comment dire la vérité à nos enfants sur l’état de notre planète ?". Dès le début du livre, le père de Robbie, qui est le narrateur, pose d’ailleurs tout l’enjeu du roman : "Je ne savais pas comment être un bon parent".

Ma passion au cours de ces deux derniers livres ["L’arbre-monde" et "Sidérations"] a été de découvrir des similitudes dans la différence. Ces deux livres parlent de restaurer ce lien brisé entre le monde humain et le monde non-humain : comment voir des reflets de nous-mêmes dans des créatures qui sont aussi différentes ? Nous avons co-évolué. […] Je vois dans les feuilles des arbres un miracle absolu à plusieurs niveaux. Et ça me restaure, moi. Ça me fait sentir que je fais partie de quelque chose de beaucoup plus grand. (Richard Powers)

Le reste de l'œuvre de Richard Powers est disponible en poche aux éditions 10-18.

Extraits sonores : 

• Giuseppe Penone sur la feuille, "Peinture fraîche", "Giuseppe Penone : rétrospective de dessins et sculptures 1968-2000"