Sylvain Creuzevault : "Je cherche l'esprit de Dostoïevski, je ne cherche pas sa lettre"

Arthur Igual, Sylvain Creuzevault, Vladislav Galard, Sava Lolov
Arthur Igual, Sylvain Creuzevault, Vladislav Galard, Sava Lolov - Simon Gosselin
Arthur Igual, Sylvain Creuzevault, Vladislav Galard, Sava Lolov - Simon Gosselin
Arthur Igual, Sylvain Creuzevault, Vladislav Galard, Sava Lolov - Simon Gosselin
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Dix ans après "Notre Terreur", le metteur en scène Sylvain Creuzevault est notre invité à l'occasion de son spectacle "Le Grand Inquisiteur" à l'Odéon, une pièce librement adaptée d'après Dostoïevski et représentée dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.

Avec

Sylvain Creuzevault est de retour, dans le cadre du Festival d’Automne, pour son spectacle "Le Grand Inquisiteur" à l'Odéon, une pièce tirée d'un chapitre des "Frères Karamazov" de Dostoïevski (le roman sera adapté en intégralité en novembre). C'est le genre de la farce et un style plein de bouffonneries que choisit Sylvain Crezevault pour entrer dans l'univers de cette grande fable. Véritable conte philosophique, ce récit évoque le retour de Jésus sur terre pour voir l’inquisition espagnole. Le cardinal Grand Inquisiteur le fait arrêter et projette de le mettre à mort car son message d'amour dérange l'ordre public. Ivan, athée convaincu, est le narrateur de ce récit inséré dans le grand roman et qu'il raconte à son frère Alexeï, moine novice. 

Le Grand Inquisiteur est un vieil homme, qui a sans doute, dans sa jeunesse, adhéré à l'armée de Jésus, et qui a ensuite découvert l'intenabilité du message de Jésus. Il se retourne et rejoint le camp du pouvoir. Jésus est un ennemi de l'état car les personnes qui sont au contact du Christ ressentent un élan vers la liberté. (Sylvain Creuzevault)

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C'est “l’œuvre la plus anarchiste et la plus révolutionnaire qui fût jamais créée”, selon le philosophe russe Nicolas Berdiaev. Et c’est justement ce que le spectacle explore, en convoquant les figures de Staline à Thatcher jusqu'à Donald Trump, nos inquisiteurs modernes, mais aussi en évoquant le Grand Inquisiteur qui sommeille en chacun d'entre nous.

Ce qui m'amuse dans le fait de faire descendre ces figures dans des personnages historiques, c'est que ce sont des Inquisiteurs bouffons, risibles... Et que notre forme de travail est une forme bouffonne, joueuse. La forme de jeu doit être étincelante, légère, joyeuse et en même temps les personnages ne sont pas des figures drôles. (Sylvain Creuzevault)

Ce genre d'événement [la pandémie] peut allumer chez les êtres une perception chrétienne du monde, et pas que chez les chrétiens, comme si cette événement semblait être un signe de jugement dernier, et on s'engouffre dans ce genre de signes, les discours s'emballent, les rapports sociaux se contractent, et on sort les petits sièges pour commencer le procès. (Sylvain Creuzevault)

Dostoïevski et son adaptation au théâtre est un fil rouge dans le travail de Sylvain Creuzevault. En 2019, L'Adolescent partait du texte de Dostoïevski. Cette pièce était montée avec les quatorze élèves-comédiens de la promotion 4 de l’Estba, et créée à l’Odéon dans le cadre du festival des écoles du théâtre public. Et déjà en 2018, Les Démons créé à l'Odéon s'inspirait du roman de Dostoïevski racontant l’histoire de jeunes révolutionnaires contre l’ordre établi, grande critique de toute les idéologies.

Quand on est face au texte de Dostoïevski, on construit aussi la profondeur du contenu, elle n'est pas inscrite noir sur blanc, elle est construite dans le rapport avec le texte dans la lecture. (Sylvain Creuzevault)

C'est aussi toute une réflexion politique qui traverse le travail du metteur en scène. On pense avant tout à son spectacle de 2009, Notre Terreur, pour lequel Sylvain Creuzevault a été nommé pour le Molière de la révélation théâtrale masculine. La pièce travaillait sur la période de 1792 à 1794, retraçant les derniers mois de Robespierre jusqu’à son exécution. Elle puisait dans des documents d’époque, tout en inscrivant l’histoire dans le présent.

En collaboration avec le journal « lundi matin », pendant le confinement, Sylvain Creuzevault a proposé un rendez-vous tous les lundis autour des nouvelles du Décaméron de Boccace, série sonore de nouvelles du XIVe lues par des acteurs.

Extraits sonores :

  • Répétition du spectacle "Le Grand Inquisiteur" mis en scène par Sylvain Creuzevault
  • André Markowicz à propos du "Grand Inquisiteur"
  • Julien Gosselin à La Grande Table 
  • Extrait du Decameron lu par Jean-Luc Godard
La Grande table idées
33 min

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