Brice Couturier, témoin, acteur puis critique de l'esprit de révolution qui traverse le monde à la fin des années soixante, publie "1969, année fatidique" (L’Observatoire, août 2019), une analyse documentée de cette année 1969 qu'il juge celle du désenchantement.
- Brice Couturier Membre du comité de rédaction de la revue commentaire
69, année érotique disait Gainsbourg, 69, année fatidique répond Brice Couturier. 1969, année fatidique (L'Observatoire) est une mise en lumière de 69, bien bien plus importante que 1968, année surclassée, qui a portant éclipsé sa cadette, « ce millésime d’un tremblement de terre moral », selon notre invité. 69, en fait, c’est 68 qui vire au drame, les idéaux qui tournent en désillusions .... Pour preuve, la libération des corps façon hippies qui tourne au viol collectif dans le film Last Summer (William Bindley, 2019). Qu’a t-on gagné à saper l’autorité ? A larguer les interdits ? Il est vrai qu'à l'aube des seventies, alors que les Beatles se séparent, nombre des idéaux qui avaient animé la décennie yé-yé sont mis à mal. Nixon entre à la maison Blanche tandis que la droite remporte en France une large victoire électorale. Les anciens révolutionnaires accumulent les printemps et oublient le mois de mai à mesure qu'ils cherchent à trouver une place. Brice Couturier sonde politique, littérature, philosophie, musique et cinéma avec en tête deux questions : que nous disent-ils de leur époque et comment nous éclairent-ils sur la nôtre.
Je trouvais ça plus chic de se dire maoïste que d'avouer qu'on était membre du PSU. On mimait une révolution impossible. Nous n'avions aucune conscience de la réalité sociale et politique de la France sur laquelle on plaquait celle de la Chine. C'était une année délirante, c'est peut-être pour cela qu'on en a la nostalgie.
(Brice Couturier)Publicité
En France, la rupture radicale opérée par mai 68 a accouché, en 1969, un désir d'expérimenter et de penser une liberté nouvelle qui, selon Brice Couturier, dans sa volonté irrépressible de transgression aurait mené à une forme de non-sens voire de délire dont nous commencerions tout juste à mesurer les effets. Nombre de mouvements d'origine révolutionnaire auraient eu le travers de se focaliser sur des préoccupations toujours plus identitaires, perdant de vue et trahissant ainsi leurs revendications premières.
C'est une année absolument extraordinaire sur le plan de la littérature, du cinéma, de la musique. C'était inouï. Je n'étais pas prêt à trahir mon fan-club des Rolling-Stones en me coupant les cheveux pour pouvoir aller en Albanie. Nous étions pris dans tout un tas de contradictions. Nous étions profondément et intimement divisés.
(Brice Couturier)
Avec celui de 1968 l'année passée et celui de 1969 célébré par les soins de Brice Couturier, les cinquantenaires tournent plus au règlement de comptes qu'à la fête d'anniversaire. En dépit de l'aspect critique, ce livre est aussi l'occasion de retraverser les événement clés de cette année qui n'en manque pas.
68 est un échec sur tous les plans. Ces échecs font 69 où l'on se radicalise parce qu'on a échoué et où, au final, on se disperse. Cette quête de transgression débouche sur le retour à l'ordre, le chaos et la paranoïa. Les drogues jouent un grand rôle à ce moment là. Quelque chose est en train de se terminer et c'est assez triste. Il y a le sentiment d'un échec collectif, d'un rendez-vous manqué.
(Brice Couturier)
Extraits sonores:
- Claude Channes, "Mao, Mao", Bande originale de "La Chinoise" de Jean-Luc Godard (1967)
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