Comment définir le macronisme aujourd’hui ?

Le Président Emmanuel Macron pendant la 107e édition du Tour de France (16.09.2020)
Le Président Emmanuel Macron pendant la 107e édition du Tour de France (16.09.2020) ©Getty -  Pool / Collectif
Le Président Emmanuel Macron pendant la 107e édition du Tour de France (16.09.2020) ©Getty - Pool / Collectif
Le Président Emmanuel Macron pendant la 107e édition du Tour de France (16.09.2020) ©Getty - Pool / Collectif
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Derrière les mots du pouvoir, quelles logiques à l'oeuvre? Myriam Revault d'Allonnes, professeure émérite des universités à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et chercheuse associée au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), nous parle du macronisme et de notre époque.

Avec
  • Myriam Revault d'Allonnes Philosophe, chercheure associée au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et professeure émérite des universités à l'École pratique des hautes études.

Myriam Revault d’Allonnes est professeure émérite des universités à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et chercheuse associée au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Après Le Miroir et la Scène. Ce que peut la représentation politique (Seuil, 2016), La Politique expliquée à nos enfants (Seuil, 2017) ou encore La Faiblesse du vrai (Seuil, 2018), elle publie L'Esprit du macronisme. Ou l'art de dévoyer les concepts (Seuil, février 2021)

A partir des théories de différentes philosophes des Lumières à Hannah Arendt, en passant par Marcel Mauss, elle analyse le macronisme et souligne ses contradictions, ses faiblesses, le tout à l’aune de ce que signifie « faire société ». Se livrant à un projet d’«anthropologie politique », elle veut, écrit-elle, aborder cet objet insaisissable qu’est le macronisme, en particulier dans son adhérence à l’”esprit du temps “ : un temps où la rationalité néolibérale imprègne notre époque et nos mentalités.

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Si le macronisme est insaisissable du point de vue des catégories politiques traditionnelles, il est moins insaisissable si on le rapporte à cette espèce de vision du monde qui est rattachée à la flexibilité, la mobilité, pas seulement dans le domaine économique mais dans les parcours de vie. (Myriam Revault d’Allonnes)

Le parcours d'Emmanuel Macron est insolite, semblable à aucun autre. Ont pu séduire sa jeunesse, son armature intellectuelle, son absence d'attaches politiques,… Surtout, il use d'une rhétorique qui brouille et derrière laquelle se profile “une certaine mise en scène du monde”. Ne serait-ce que dans la volonté, présentée comme nouvelle, de faire disparaître le clivage obsolète gauche-droite, le “en même temps”.

Malgré ces brouillages, on retrouve des thèmes récurrents dans le macronisme, à commencer par l'appel à la réussite individuelle dans une société où les 'premiers de cordée' tireraient les autres vers l'avant en raison de leurs talents naturels. C'est aussi l'idée de la nation "start-up" faite d'individus entrepreneurs. Image chère à Emmanuel Macron.

Au fond, ce que Macron dit, c'est qu'il y a d'un côté les gens qui ont réussi et de l'autre les invisibles, ceux qui ne sont rien. (Myriam Revault d’Allonnes)

Quand Macron invite le chômeur à traverser la rue pour trouver un travail, ça veut dire qu'il est entièrement responsable de sa réussite et de ses échecs. (Myriam Revault d’Allonnes)

Est-ce qu'on peut réduire l'individu uniquement à un sujet économique qui calcule les conséquences de ses actions? (Myriam Revault d’Allonnes)

Est-il alors devenu impossible de faire société ? Le triomphe de l’individu a marqué la modernité politique,  au moins depuis Hobbes et l'idée que « L'Homme est un loup pour l'Homme ». La politique n’est plus que l’instrument garantissant la réalisation des finalités individuelles. Poussée à l'extrême, une telle perspective fait des institutions sociales de simples instruments  pour l'individu voulant assurer ses droits préalables. Tout dépend en fait de la manière dont on interprète le lien social : d'autres que Hobbes, les Rousseau ou les Montesquieu, ont souligné, au contraire, la nécessaire réciprocité entre l’individu et les institutions. On parle alors d'un endettement réciproque, pour lequel les institutions sont elles aussi “endettées” à l’égard des individus à produire les conditions de possibilité d’une véritable autonomie. Surtout, une véritable démocratie est faite de pluralité et de délibération. Non pas d'individus marchant droit et dans un même mouvement, mais d'opinions divergentes et d'agône.

Si le rationalisme néolibéral semblait d'abord remis en doute par la crise dûe à la Covid 19, Emmanuel Macron remettant à l'honneur les « derniers de cordée », ce personnel qui jusque là demeurait dans l'ombre et était si mal rémunéré, la « Révolution » macronienne, semble-t-il, poursuit son cheminement. 

La Grande table culture
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