Elle rappelle la place et l'interrelation des êtres et des choses dans le monde. Corine Pelluchon, philosophe, et auteure de "Réparons le monde" (Rivages, 2020), est notre invitée aujourd'hui.
- Corine Pelluchon Philosophe, professeure à l'université Paris-Est Gustave Eiffel, spécialiste de philosophie politique et d'éthique normative et appliquée
Voix majeure de la défense de la cause animale et environnementale, Corine Pelluchon est professeure d’éthique et de philosophie politique à l’ université Gustave Eiffel et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme de Nicolas Hulot. Elle s’est vu décerner cette année le Prix Günther Anders de la pensée critique pour l’ensemble de ses travaux, qui récompense des auteurs germanophones dont les oeuvres portent sur les conditions de vie dans notre monde contemporain.
Avec la crise actuelle, j'ai senti une effervescence d'idées et une sensibilité des personnes à des questions qui sont importantes pour moi depuis longtemps : la transition écologique, le rapport aux animaux – y compris aux animaux sauvages-, la santé et la justice.
(Corine Pelluchon)Publicité
Après s’être intéressée à Leo Strauss et avoir livré une critique des Lumières, elle développe depuis douze ans une philosophie de la corporéité, centrée à la fois sur le concept de "vulnérabilité" et sur la matérialité de l'existence. Une philosophie d'inspiration phénoménologique qui insiste sur la relation du sujet au monde et à lui-même, renouvelant la manière de penser l'éthique et le politique.
Face à la crise actuelle, Corine Pelluchon prône une transition écologique qui s’impose de manière démocratique et non coercitive. Parmi ses prérogatives : réduction par chacun de sa consommation de produits animaliers, réorganisation de l’agriculture, mise en place d’une nouvelle fiscalité modifiant les critères des prélèvements obligatoires… Et, pour guider ces changements, quatre axes : protection des écosystèmes, santé, justice et rapport aux animaux sauvages et domestiques.
En mars 2020, elle publiait Réparons le monde. Humains, animaux, nature (Rivages), un essai rassemblant sept textes déjà parus ou inédits décrivant la manière dont on peut apprendre à habiter la Terre et à cohabiter avec les autres êtres qu’elle abrite en sortant de nos logiques de développement destructrices et contre-productives. Une manière de faire le lien, dans sa théorie, entre l’écologie, la justice sociale, la cause animale, la démocratie et les traits moraux qu’il importe d’acquérir pour œuvrer ensemble à la promotion d’un nouveau modèle.
La transition écologique, c'est un mot qui a sa beauté : transition veut dire « qui a un horizon », qui a un processus qui sera adapté aux milieux géographiques et sociaux, aux êtres, qui sera donc contextualisé, mais il y a aussi des changements structurels à mettre en place au niveau des modes de production.
(Corine Pelluchon)
Se plaçant sous le signe de la « réparation du monde », elle tient à redonner du sens aux êtres et aux choses en rappelant leur place et leur interrelation dans le monde. Insistant sur des concepts comme celui de « vulnérabilité », un des mots clés de sa philosophie , elle montre qu’il est à tort associé à la fragilité. Selon elle, la vulnérabilité décrit plutôt notre capacité à être concerné par autrui. Prendre conscience de sa vulnérabilité est donc une force, car elle nous permet d’en finir avec l’illusion de toute-puissance.
Le défi majeur, peut-être, de l'humain, notamment aujourd'hui, c'est d'apprendre à vivre avec celui qui est différent de lui, « le plus autrui de tous les autrui » disait Levi-Strauss en parlant des animaux, sans le mépriser, sans lui dénier tout droit à exister selon ses normes propres. (…) Il semblerait que l'humain ait du mal à faire de la place à autrui au sein de son existence.
(Corine Pelluchon)
En outre, Corine Pelluchon montre les similitudes et différences entre la vulnérabilité et l’éthique du « care » : la clé du rapport à autrui est ainsi à chercher selon elle dans le rapport à soi, une transformation personnelle qui implique notamment un processus de subjectivation, un lien avec l’incommensurable… qui n'existent pas dans l'éthique du soin.
Enfin, montrant que les écologistes ne sont pas encore des animalistes, elle souligne leurs différences par une approche historique et éthique qui revient notamment sur les différentes vagues de la philosophie de l’animalité. Nous devons admettre, écrit-elle, que notre politique est une « zoopolitique » : les animaux vivent avec nous, partagent nos territoires… une interdépendance soulignée par la crise actuelle du coronavirus, enclenchée notamment par l’envahissement du monde sauvage.
Extraits sonores :
- Princesse Mononoke (Hayao Miyazaki,1997)
- Baptiste Morizot (France Culture, La Grande table des Idées, 4 février 2020)
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