

Comment réconcilier les Français avec le climat et les citoyens avec leurs institutions? C'est le double enjeux de la Convention Citoyenne pour le Climat. On en parle avec nos deux invitées, Hélène Landemore et Marie-Anne Cohendet.
- Hélène Landemore Politiste et philosophe, maîtresse de conférences en science politique à l'université de Yale (Etats-Unis)
Du 19 au 21 juin, les 150 citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat devaient définir leurs propositions pour « réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale ». Dimanche 21 juin, ils les remettaient à la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne. Parmi ces propositions, réduire la vitesse sur autoroute de 130 km/h à 110 km/h, ou interdire les terrasses chauffées et l'éclairage des magasins la nuit.
On peut espérer que dans cette crise terrible pour tout le monde, il y ait au moins cet avantage d'une réflexion en profondeur sur notre rapport à la nature, à l'environnement et aux prises de décision publique, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
(Marie-Anne Cohendet)Publicité
Ces citoyens tirés au sort ont également voté en faveur d’un référendum visant à introduire la lutte contre le changement climatique dans la Constitution et à créer le crime d’« écocide », mais ils ont rejeté l’idée d’utiliser le référendum pour d’autres mesures.
Ils se sont mis dans la perspective que le référendum devait absolument produire un vote positif, alors que le référendum n'est pas que ça, c'est l'occasion d'un grand débat national qui permet aux citoyens d'être mis en face de leurs responsabilités.
(Hélène Landemore)
Pour en parler, Hélène Landemore, maîtresse de Conférences titularisée en Sciences Politiques à l’ université de Yale. Ayant reçu le prix David & Elaine Spitz 2015 pour son livre Democratic Reason (Princeton University Press 2013), elle fera paraître son dernier livre, Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the 21st Century, à l'automne 2020. Un ouvrage dans lequel elle imagine ce que pourrait être un régime démocratique authentique et qui suggère des pistes pour ouvrir nos institutions aux voix des citoyens.
On est dans un moment très difficile de politique américaine, avec une polarisation extrême. (…) L'écologie n'est pas du tout dans la conversation actuelle, c'est une espèce d'impensé complet. En contraste complet avec ce que j'observe en Europe et en France particulièrement.
(Hélène Landemore)
Sa réflexion met l’accent sur la délibération inclusive, faisant l’hypothèse que les assemblées délibératives démocratiques maximisent la diversité des manières de réfléchir, là où la plupart des gens, dit-elle, pensent qu'une assemblée intelligente nécessite des experts ou des diplômés plutôt que des gens ordinaires. Si l'on va plus loin, une manière radicale de raisonner consiste alors à préférer les groupes de citoyens tirés au sort aux assemblées élues.
Hélène Landemore voit ainsi un rendez-vous « historique » dans la Convention Citoyenne pour le Climat, un dispositif qui apporte la preuve empirique que des gens ordinaires peuvent être impliqués dans le débat.
Les concepts de légitimité, ce sont les sociétés qui les formulent et qui les acceptent. Pendant longtemps, la légitimité venait du droit divin, de la tradition... On est passé au moment majoritaire des populations puis à cette formule de l'élection, mais on peut redéfinir la légitimité de multiples manières.
(Hélène Landemore)
Notre deuxième invitée est Marie-Anne Cohendet, professeure de droit constitutionnel et de droit de l'environnement à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ayant vécu la Convention Citoyenne, elle décrit un fonctionnement compliqué, notamment du fait que trop de place ait été accordée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui voulait garder la main sur ces sujets. Troisième Assemblée de la République avec l'Assemblée nationale et le Sénat, celui-ci conseille le Gouvernement et le Parlement sur l'élaboration des lois et les orientations des politiques publiques et est formé de membres désignés qui représentent la Société civile.
Un des apports majeurs de ce type de réunion, c'est bien la délibération. C'est le fait que des gens qui viennent de points de vue contraires, tous ensemble, arrivent à faire un compromis parce qu'ils ont écouté le point de vue des autres.
(Marie Anne-Cohendet)
Enfin, Marie Anne-Cohendet insiste sur le rôle de témoins qu'ont pu adopter les chercheurs dans le cadre de cette Convention au sein de laquelle ils ont pu vivre une expérience de terrain.
Extrait sonore:
- Dominique Bourg sur France Inter le 23 novembre 2018
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