Les coronavirus sont des zoonoses, c'est à dire des maladies transmises de l'animal à l'homme. Pour Jérôme Baschet, ces transmissions sont le résultat de l'exploitation et de la destruction de l'environnement par l'homme dans une logique capitaliste et donc des maladies du "capitalocène".
- Jérôme Baschet historien, professeur à l’Universidad Autónoma de Chiapas, à San Cristóbal de Las Casas (Mexique)
Face à la multiplication de crises liées à la condition planétaire, dont le coronavirus est un avant-goût, certains craignent un effondrement à venir. Dans Basculements. Mondes émergents, possibles désirables.(La Découverte, 2021), Jérôme Baschet rejette cette idée d'effondrement, trop dépolitisée et déresponsabilisante à son goût, et préfère explorer, pour penser notre avenir, les basculements possibles.
Le retour à la normale serait le retour aux mêmes conditions qui ont mené à cette épidémie, et donc préparer une prochaine épidémie. Nous entrons dans l’ère des pandémies, elles seront de plus en plus meurtrières et produiront des dégâts économiques de plus en plus importants. C’est parce que nous, les humains, avons déclaré la guerre au vivant depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec la destruction générale des écosystèmes, l’effondrement de la biodiversité, et tout ce qui mène à ces zoonoses. (Jérôme Baschet)
Publicité
L’idée de l’effondrement lancée par les collapsologues tend à laisser penser un scénario unique, comme un édifice qui s’effondre sur lui-même, un phénomène spontané où tout va dans la même direction. A mon sens, nous traversons une crise systémique, dans laquelle les facteurs de crise se renforcent : cela crée des facteurs d’instabilité. On assiste donc à une succession d'événements imprévisibles : il y a en quelque sorte des plaques tectoniques très instables, avec une multiplicité des directions et de scénarios possibles ; qu’on ne peut pas définir à l’avance. Il faut faire une place plus grande à l'incertitude et à l’instabilité. C’est cela que j’essaye d’inclure dans la notion de “basculements”. (Jérôme Baschet)
Pour Jérôme Baschet, historien et spécialiste des mouvements zapatistes mexicains, la crise du coronavirus est bien une crise du capitalisme : le virus qui l'a causée est probablement lié à l'agriculture intensive, à l'expansion de l'urbanisation et à la déforestation, et il s'est propagé grâce aux échanges aériens accrus et à la globalisation des flux. L'historien insiste aussi sur la qualité de syndémie, et non de pandémie, du virus de la Covid-19 : ses effets se conjuguent avec des facteurs de comorbidité courants dans nos modes de vie capitalistes (surpoids, diabète, hypertension etc). Le concept de syndémie permet de souligner le caractère éminemment pathogène des manières de vivre et de s’alimenter en régime capitaliste et invite Baschet à pointer la dangerosité d’un virus bien plus meurtrier encore que le SARS-CoV-2 : le capitalisme lui-même.
C’est la logique d’une économie animée par une compulsion productiviste et de croissance qui est son impératif catégorique qui crée ces destructions accélérées de l’équilibre du vivant qui est la cause de ces pandémies. (Jérôme Baschet)
La notion d’anthropocène permet de montrer que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique où l’action de l’homme modifie de façon globale le système Terre. C’est indéniable que des humains ont provoqué cette transformation. Mais peut-on vraiment dire que c’est l’espèce humaine en tant que telle qui a provoqué cette transformation ? Non, c’est en réalité un système économique spécifique, concentré sur l’exploitation des ressources naturelles, animé par une compulsion productiviste qui s'appelle le système capitaliste. (Jérôme Baschet)
Sans céder à l'idée selon laquelle la crise du coronavirus aurait permis d'imposer une dictature biopolitique, Jérôme Baschet souligne l'importance de repenser le fonctionnement de nos existences politiques et à se diriger vers une existence communale, à la fois entre humains, mais sans oublier notre responsabilité à l'égard des autres espèces animales.
La signification profonde de l'épidémie est de nous faire prendre conscience, de nous faire sentir que nous sommes entrés dans cette période, l’anthropocène ou le capitalocène. C’est le moment historique où nous, quasiment tous les humains, avons senti que nous sommes entrés dans cette ère des catastrophes provoquées par l’action de l’homme. (Jérôme Baschet)
On assiste à l’émergence de mondes communaux : des mondes de l’autogouvernement populaire. Les gens eux-mêmes, dans des espaces locaux, prennent en main leur destin et choisissent le mode de gouvernement qui correspond à leur propre désir d’une vie bonne. (Jérôme Baschet)
Extraits sonores
- Extrait d’une conférence au collège de France du Pr Philippe Sansonetti prononcée le 16 mars 2020
- Jared Diamond parle de la possibilité d’un effondrement mondial
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration