Historienne et psychanalyste, Elisabeth Roudinesco nous propose dans "Soi-même comme un roi" (Seuil) une généalogie du phénomène d'"assignation identitaire" pour mieux comprendre comment l'essentialisation de la différence empêche un retour de l'universel.
- Elisabeth Roudinesco Historienne de la psychanalyse et présidente de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP)
Ce qu'Elisabeth Roudinesco voit depuis plusieurs années, à gauche comme à droite, c'est un repli sur l'identité, que ce soit celui des identitaires d'extrême-droite ou, nous dit-elle, chez les tenants de la théorie queer et de la lutte post-coloniale. Dans Soi-même comme un roi. Essai sur les dérives identitaires (Seuil, 2021), tout en critiquant le concept d'"islamogauchisme" à l'université, elle fait la généalogie des mouvements militants en parallèle à celle des études de genre et des études postcoloniales.
On vit une époque particulièrement régressive dans le monde des idées. Au départ, les études de genre et les études sur la race étaient très fructueuses [...]. Tout cela a mené à des combats formidables. Je ne fais pas partie des gens qui bannissent ou qui condamnent, mais j’essaie de comprendre les dérives. (Elisabeth Roudinesco)
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D'un côté, Elisabeth Roudinesco s'inquiète d'un potentiel "effacement du sexe" ou de l'apparition d'un sexe neutre qui contesterait la place du biologique. Selon elle, les tenants de la théorie queer, qu'elle assimile aux féministes radicales et aux partisanes du lesbianisme politique, ne peuvent proposer qu'un retour à un autre système totalisant.
Toutes ces études ont été formidablement émancipatrices. Mais il y a eu une bascule à partir des années 2000, après les attentats du 11 septembre. [...] En France, c'est à partir de 2005 que cette bascule a eu lieu. (Elisabeth Roudinesco)
De l'autre, Elisabeth Roudinesco refuse l'assignation à une identité pour mieux revendiquer la liberté de l'universel. Elle raconte son malaise face aux concepts post-coloniaux, comme celui de "racisé", terme dont elle récuse l'emploi, qu'elle accuse de réintroduire la notion de race. Pour une réelle émancipation, contre le processus de réduction identitaire, E. Roudinesco plaide en faveur d'un anticolonialisme républicain et universaliste, celui, nous dit-elle, de Césaire, de Fanon, de Sartre et de Clemenceau.
On a le droit d’interpréter comme on veut Césaire ou Fanon. Mais il faut aussi critiquer ces interprétations. Ce sujet là est devenu impossible, notamment depuis que la ministre a dit que l’université était gangrénée par l'islamo gauchisme, ce qui est absurde. (Elisabeth Roudinesco)
Bien entendu, il y a des victimes du racisme et de la misogynie. Mais je préfère le combat conquérant de Césaire, Fanon, Sartre, Foucault, qui refusait de s’enfermer dans la posture de victime. (Elisabeth Roudinesco)
Enfin, elle s'attaque aux fantasmes de ceux qui croient leur identité et leurs valeurs menacées, ceux dont le repli sur soi se caractérise par une haine de l'autre ou par la crainte d'un "grand remplacement". Un discours que Roudinesco dénonce comme une chimère dangereuse.
A paraître
Freud. La guérison par l’esprit, Stefan Zweig, préfacé par Elisabeth Roudinesco (Payot 2021, nouvelle traduction)
Extraits sonores
- Houria Bouteldja à propos de la genèse des Indigènes de la République le 2 août 2005 dans Contre-Expertise (France Culture)
- Gérard Noiriel le 2 février 2021
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