Elle souligne que dans la bataille des idées, chaque camp accuse aujourd'hui l'autre d'avoir gagné, des libéraux aux conservateurs. Eugénie Bastié, journaliste et essayiste, auteure de "La guerre des idées "(Robert Laffont, 2021), est notre invitée.
- Eugénie Bastié Journaliste et essayiste
Eugénie Bastié est journaliste au Figaro et essayiste. Après des livres comme Adieu mademoiselle. La défaite des femmes (Cerf, 2016) et Le Porc émissaire. Terreur ou contre-révolution (Cerf, 2018), elle publie La Guerre des idées (Robert Laffont, avril 2021), le résultat d'une enquête de trois ans dressant le panorama des grands clivages actuels, de la laïcité au néoféminisme et à la cancel culture. Pour ce faire, Eugénie Bastié a rencontré les figures contemporaines de ce qu'elle nomme la "guerre des idées", de Pierre Nora à Sylviane Agacinsky. Un moyen également de déterminer le rôle de l'intellectuel aujourd'hui, dans un monde où les réseaux sociaux et les technologies permettent à chacun de donner son opinion, et où les individus, pressés de livrer leur vérité, n'écoutent pas celle des autres.
Pour être un intellectuel, il faut avoir une oeuvre, il faut avoir fait ses preuves dans un domaine appartenant au champ des humanités. Je pense que la meilleure définition de l'intellectuel est celle qu'en a donné Sartre : c'est quelqu'un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. (Eugénie Bastié)
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Ce qui caractérise le débat public aujourd'hui, c'est que les intellectuels sont de plus en plus "spécifiques" : ils se cantonnent à des domaines très précis et ils perdent cet art de la synthèse qui faisait la spécificité de l'intellectuel à la française. (Eugénie Bastié)
En outre, l'ouvrage dresse le constat d'un “retour de la guerre des idées”. Le monde intellectuel a en effet toujours été un champ de bataille, il ne s’est jamais déroulé sur le seul mode de la conversation amicale, même si des discussions entre opposants étaient possibles autrefois. C'est notamment le cas de "la parenthèse enchantée" des années 1980-1990, où l'idée dominait que la fin de l’Histoire et des idéologies était venue. Mais les années 2000, avec notamment le livre de l’historien Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires qui dresse la liste des intellectuels ayant selon lui «dérivé» vers la droite, remet le conflit au centre. C'est le retour d'une guerre qui n'avait jamais pris fin.
Dénonçant un sectarisme compassionnel fondé non sur des arguments mais sur les sentiments, Eugénie Bastié pointe du doigt l'impossibilité de dialoguer aujourd'hui. De la Cancel Culture aux néoféminismes radicaux et au postcolonialisme, elle s'inquiète d'une sectarisation menant à des boycotts et à une judiciarisation de la pensée.
Le débat public exige pour être argumenté une certaine dose de raison et une certaine dose d'abstraction. Or aujourd'hui, l'écosystème médiatique des réseaux sociaux, c'est au contraire, à la place de la raison, l'émotion, et, à la place de l'abstraction, le règne du cas particulier et du témoignage. (Eugénie Bastié)
A terme, l'auteure questionne : qui a gagné la bataille des idées? Selon elle, si les conservateurs ont gagné en popularité, la gauche continue de dominer les milieux universitaires, alors même que, semble-t-il, elle voit son monopole s'effriter.
La guerre des idées est une alternative à la guerre civile. (Eugénie Bastié)
Extraits sonores :
- Daniel Lindenberg - "Mutants", France inter, 29/07/12
- La responsabilité des intellectuels - Apostrophes, 1987, Maurice Bardèche
- Pierre Nora - "L'instant M", France Inter, 09/09/2020
- Pascal Blanchard - France Inter, 22/02/2021
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