

Y a-t-il un déni de reconnaissance des discriminations? Quelles sont les formes de ce nouveau combat pour l'égalité ? Julien Talpin, chercheur au CNRS, et la sociologue Marion Carrel ont participé à l'enquête collective « L'épreuve de la discrimination ». Ils sont nos invités aujourd'hui.
- Marion Carrel Sociologue, Professeure de sociologie au labo Lille-CeRIES
- Julien Talpin Sociologue, chargé de recherche CNRS, directeur adjoint du CERAPS (Lille 2)
Julien Talpin est chercheur au CNRS et co-directeur du GIS Démocratie et Participation. S'intéressant à l’engagement dans les quartiers populaires, il a notamment publié Community Organizing. De l’émeute à l’alliance des classes populaires aux Etats-Unis (Raisons d’agir, 2016).
Il y a un sentiment d'inertie, et que le combat est en permanence à recommencer ; et le sentiment que, quand bien même on n'est plus tout à fait dans le déni, l'énergie institutionnelle, politique, consacrée à lutter contre les discriminations demeure minime au regard de l'ampleur et du drame démocratique que constituent les discriminations. (Julien Talpin)
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Marion Carrel est Professeure de sociologie au labo Lille-CeRIES. Elle travaille notamment sur la participation dans les quartiers populaires. Co-directrice du Groupement d’Intérêt Scientifique « Démocratie et participation », elle est également membre du comité de rédaction de Participations, Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, et de Mouvements. Elle est membre du comité éditorial de European Journal of Cultural and Political Sociology (EJCPS), et a publié Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires (ENS Editions, 2013).
93% des gens qu'on a vus ont connu au moins une expérience de discrimination, de stigmatisation, au cours de leur vie. (…) Alors que notre dispositif consistait plutôt à ne pas rentrer dans cette question, on y arrivait pour la plus grande partie des personnes. (Marion Carrel)
Paraît l’ouvrage collectif L’Epreuve de la discrimination. Enquête dans les quartiers populaires (PUF, 17/02/2021), dirigé par Julien Talpin et auquel Anaïk Purenne contribue. Un ouvrage dans la suite de Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie Agone, 05/02/21) de Gérard Noiriel et Stéphane Beaud, qui pointent l’actuelle prépondérance de la « lutte des races » sur la « lutte des classes » dans une critique des approches intersectionnelles.
Avec L’Epreuve de la discrimination, il s'agit de _s_aisir ce que le racisme en acte et les pratiques d'altérisation font aux individus en se concentrant sur les territoires où les victimes potentielles de discriminations sont surreprésentées, à savoir les quartiers populaires. Une enquête menée de 2014 à 2018, dans neuf quartiers français ou étrangers : Le Pile à Roubaix, Les Tilleuls au Blanc-Mesnil, Le Masdu-Taureau à Vaulx-en-Velin, South Central à Los Angeles...
Les auteurs nous invitent à regarder la violence discriminatoire en face, une réalité longtemps invisibilisée dans les recherches, et à la reconnaître comme une violence physique et symbolique. Sa fréquence conduit parfois à sa banalisation, mais elle peut avoir des effets durables dans les parcours de vie de ceux qui en souffrent. Plus encore, l'ouvrage s’intéresse aux processus de stigmatisation dont les individus peuvent faire l'objet du fait de leur appartenance supposée à certains groupes. Soulignant notamment l'importance du quartier comme élément important d'identification et où règne situation sociale et politique dramatique, l'enquête montre aussi que la lutte et l'engagement s'avèrent coûteux dans ces lieux, mais qu'ils ne sont pas pour autant des déserts politiques. Ainsi émerge dans l'expérience des discriminations un potentiel de politisation capable de remobiliser les quartiers populaires, ce qui en passe par un travail « conscientisation » et d'éducation populaire adoptant plusieurs formes selon les lieux concernés.
On peut de ce fait voir dans les mobilisations antiracistes planétaires de juin 2020 suite à l'assassinat de George Floyd par la police à Minneapolis ou dans les appels du collectif « La vérité pour Adama » à Paris les signes qu'une nouvelle génération militante est à l'oeuvre.
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