

Du bombardement de Pearl Harbor au scandale du Watergate : quelle est l'Amérique de James Ellroy ? Le romancier nous en parle, alors que sort son dernier roman, "La tempête qui vient" (Rivages noirs, novembre 2019).
- James Ellroy Ecrivain américain
Alors que sa trilogie Underworld U.S.A allait jusqu'au scandale du Watergate en 1972, son dernier roman, La Tempête qui vient (Rivages/Noir, 2019), nous montre Los Angeles plongé dans le chaos, électrisé au lendemain de Pearl Harbor, en décembre 1941. Pourquoi ces trois décennies obsèdent-elles l'écrivain James Ellroy ? Quels visages de son pays y discerne-t-il ? S'il nie vouloir "faire un exposé politique" et refuse absolument la lecture de son oeuvre au prisme de l'actualité, le romancier martèle son attachement à l'Histoire. En ceci, ses romans reposent sur une documentation extrêmement abondante, qui laisse deviner ce qu'il nomme "l'histoire secrète" des U.S.A.
Ma relation au passé est bizarrement utopique. On peut parler de corruption, on peut parler de racisme, et, bien sûr, je comprends que c'était le cas, mais je m'en fiche, parce que c'est à moi, dans tout son glamour, son manque de glamour, son côté moche. C'est le territoire que j'ai gravé dans ma mémoire et dans mon âme. Je dois y retourner et créer un langage nouveau pour cette période.
(James Ellroy)Publicité
Après la mort de ma mère, j'ai eu une révélation, une révélation qui est apparue graduellement : que la version officielle des événements n'était pas la vérité, et que le crime et la sexualité étaient parvenus à pervertir le monde adulte, et je croyais que, moi, j'avais une vision particulière de cela. Je n'en avais aucune preuve, mais je pouvais le sentir. Pour pouvoir assouvir ma curiosité, j'ai commencé à lire des romans policiers. Je me suis rendu compte plus tard que je m'engageais dans un dialogue subliminal avec ma maman, et que je mettais en place les motifs qui ont eu pour résultat sa mort.
(James Ellroy)
Son avant-dernier roman, Perfidia, revenait déjà sur l'un des grands tabous de l'histoire étatsunienne : les camps d'internement dans lesquels les U.S.A ont enfermé les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale. Il en va de même pour les innombrables conspirations, trafics criminels et complicités louches qui émaillent l'ensemble de son oeuvre. En ce sens, il définit son rôle comme celui d'un informateur. De surcroît, il s'inscrit en pourfendeur de divers mythes fondateurs de l'histoire américaine, tels que l'obsession de l'or qui taraude les protagonistes de La Tempête qui vient.
Les flics de mes romans, ce sont des gens qui tentent de résoudre les rébus qu'ils ont en eux mêmes. Ils tentent de résoudre des crimes terribles pour arriver à vivre leur propre vie. Ils cherchent la lumière auprès des autres car ils sont creux dans leur propre cœur.
(James Ellroy)
Pour le romancier qui affirme "le temps et la géographie, c'est ça le destin", l'enfance à Los Angeles a été déterminante plus que tout autre événement : le meurtre jamais élucidé de sa mère, la pauvreté dans laquelle son père très oisif l'a élevé par la suite.
A côté, il y avait ce quartier qui s'appelle Hancock Park, un quartier très riche, rupin, avec des grandes maisons d'époque style tudor, des grandes maisons à l'espagnole, des jolies filles qui allaient dans les écoles privées, vêtue d'uniformes pastel et jaune, avec des jupes longues et avec des petites bottines noires et blanches. Mon père et moi, nous étions pauvres, notre chien n'était pas véritablement habitué à vivre à l'intérieur et notre appartement puait.
(James Ellroy)
Merci à Michel Zlotowski pour la traduction simultanée.
Extraits sonores :
- Extrait de L.A. Confidential (adaptation du roman réalisée par Curtis Hanson en 1997)
- Don DeLillo sur son enfant dans le Bronx (" Hors-champs", France Culture, 3 mai 2016)
- Extrait de Little Big Man (Arthur Penn, 1970)
- "Doggin'around", Count Basie and His Orchestra, 1938
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