L'art peut-il s'accommoder du virtuel ?

Exposition Chagall - novembre 2020
Exposition Chagall - novembre 2020  ©AFP - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Exposition Chagall - novembre 2020 ©AFP - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Exposition Chagall - novembre 2020 ©AFP - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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Demain, un musée sans musée ? Seule voix pour l'art aujourd'hui, le virtuel a du bon, mais jusqu'où ? On en parle avec Sébastien Allard conservateur général au Louvre et la philosophe de l'esthétique Danièle Cohn.

Avec
  • Danièle Cohn professeure de philosophie et directrice du laboratoire Culture, Esthétique et Philosophie de l'Art (CEPA) de l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne
  • Sébastien Allard Conservateur général du Patrimoine, Directeur du département des Peintures du musée du Louvre

Contempler la Joconde depuis son canapé c'est la promesse des musées pour nos jours confinées. A l'heure où la " culture-maison " s'est fait une place dans nos intérieurs, aller au musée entre deux visios est devenu presque normal : des visites virtuelles aux contenus interactifs, la transition numérique s'est accélérée avec la fermeture des lieux culturels. 

Que fait le Covid à l'art et à l'avenir des musées ? Pour en parler, nos deux invités, Sébastien Allard, conservateur général du Louvre et Danièle Cohn, professeure émérite de philosophie et directrice du laboratoire Culture, Esthétique et Philosophie de l'Art (CEPA) de l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne, tous deux cosignataires de plusieurs tribunes sur l'impérieuse nécessité de préserver l'art comme une expérience à part, une "Culture Vive " à lire dans la revue Esprit. 

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Les musées aujourd'hui c'est d'abord des institutions qui continuent de fonctionner, avec le vague sentiment que quelque chose manque, comme au Musée du Louvre bien que toujours "accessible" à distance via des services de visites virtuels aux contenus toujours plus enrichis. 

Le Louvre n’est pas une belle endormie, nous continuons de travailler, nous nous occupons des collections et avons entrepris un ensemble de travaux ramassés dans un temps plus court mais mais le Louvre est triste car les œuvres que nous conservons ont vocation à être offertes au public. Des galeries vides, c’est pour nous difficile. (Sébastien Allard)

Apparue comme une indispensable bouffée d'oxygène derrière l'écran, la promesse d'un moment comme au musée mais sans la "vraie oeuvre" pose la question de la représentation d'abord et de l'expérience de l'art. 

Cette situation nouvelle qui dure aujourd’hui bien plus longtemps que ce que nous espérions modifie complètement la réflexion sur l’expérience dans un musée, une expérience esthétique, une expérience des œuvres. Sans la présence des œuvres « en présence réelle » que veut dire une expérience des œuvres en virtuel ? Outre la nostalgie, on doit aussi reconsidérer cette expérience et se demander si le virtuel est lui-même compatible avec une expérience de l’art (Danièle Cohn). 

Parenthèse transitoire ou tendance de fond, l'expérience esthétique peut-elle résoudre à un clic ? Ambivalent, le virtuel permet certes l'accès à des milliers d’œuvres qu'il aurait été bien difficile de réunir, partout, pour tous, à tout moment. Des " musées imaginaires " qu'invoquait Malraux à notre expérience de l’œuvre seul sur un canapé il y a un pas. C'est que, désincarné, sans l’œuvre physiquement présente, l'art risque de tomber dans un "tout image" à l'ère de l'entertainment.

Réintensifier sa propre existence, c'est ce que le virtuel a de la peine à donner. Le virtuel est une sorte de béquille à laquelle on peut recourir quand on a eu une expérience première de l'oeuvre (...) Le virtuel est-il capable de consolider, de créer des strates de mémoire comme le réel ? C'est la question que je me pose. (Danièle Cohn). 

La Grande table culture
27 min

Extraits sonores: 

  • André Malraux et le "Musée imaginaire" Archive INA (1979, diffusion le 7 août 1981) 
  • INA " Les visites virtuelles du musées " (CD Rom du Louvre, 1995)