L’hôpital, une industrie comme les autres ?

Manifestation des personnels hospitaliers dans le cadre d'un mouvement de grève national à Paris le 14 novembre 2019
Manifestation des personnels hospitaliers dans le cadre d'un mouvement de grève national à Paris le 14 novembre 2019 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Manifestation des personnels hospitaliers dans le cadre d'un mouvement de grève national à Paris le 14 novembre 2019 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Manifestation des personnels hospitaliers dans le cadre d'un mouvement de grève national à Paris le 14 novembre 2019 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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L'hôpital et le facteur humain, un système à bout? Pour en parler, Stéphane Velut, neurochirugien et essayiste, qui publie "L’Hôpital, une nouvelle industrie" (Gallimard, coll. « Tracts », janvier 2020).

Alors que plus de 1000 chefs de service ont démissionné de leur fonction administrative pour "sauver l’hôpital public", et face à un malaise croissant de la profession auquel est censé répondre le "plan d'urgence" présenté par le Premier ministre Edouard Philippe et la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn en novembre 2019, les centres hospitaliers universitaires (CHU), nous dit-il, qui constituent le cœur d’un système réputé excellent car alliant soins, enseignement et recherche au service du public, sont désormais soumis à un rythme infernal. Stéphane Velut, notre invité, nous parle du malaise hospitalier aujourd’hui. Neurochirurgien, il est aussi l’auteur de deux romans : Cadence, chez Christian Bourgois (2009) et Festival (Collection Verticales, Gallimard, 2014).

Il y a une volonté de faire de la maladie une matière première, et de la guérison un produit fini, comme si nous étions dans une industrie, une chaîne de production, à la différence qu'il ne s'agit pas d'autre chose que de gens.  
(Stéphane Velut)

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Se rappelant l’époque où la structure tenait comme seule fin la santé des gens et où le langage de l’administration était plus compréhensible, il se propose de comprendre l’origine du problème. Or celui-ci s’exprime par des symptômes visibles de l’intérieur, dont le langage : un langage de plus en plus instrumentalisé par des administrants et gestionnaires soucieux de transformer l’hôpital en une industrie où la vitesse et la rentabilité prennent le pas sur le souci de la personne humaine. 

Pour faire des économies, l'administrateur a voulu s'immiscer dans le parcours de soins. Il a voulu s'imposer par le langage, se diviser comme une multiplication cellulaire, car ils sont devenus très nombreux. Et, maintenant, on me demande d'être manager alors que le management est aussi éloigné pour moi que la neurochirurgie pour un manager.  
(Stéphane Velut)

Le corps administrant reprend ainsi la main sur le corps "empathique", qu’il compte transformer en corps de managers, bien qu’il le regarde aussi, écrit l’auteur, avec une forme de fascination. En effet, les administrant prétendent intervenir dans un domaine hautement spécialisé et auquel ils ne connaissent rien.

La seule façon de faire des économies, c'est de réduire le nombre de lits. C'est indicible, on parle de "redimensionnement capacitaire""... C'est ce manque de sincérité qui fait que ce malaise est grand.  
(Stéphane Velut)

En outre, c’est l’artisanat même du métier qui est menacé, tout comme la plupart les professions faisant appel au travail de la main (celles des paysans, ouvriers, artisans), reléguées au second plan avec la montée du secteur tertiaire et la désindustrialisation. Les professions administratives et autres "bullshit jobs__" (David Graeber) occupent désormais le haut du panier.

La Grande table
27 min

Extraits sonores : 

  • Les médecins démissionnent (France 2,14/01/2020)
  • Témoignage du professeur Hartemann, chef du service diabétologie de la Pitié-Salpêtrière (16/01/2020)

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