L’identité est-elle identifiable ?

Relevé post mortem décadactylaire
Relevé post mortem décadactylaire - By Guillaume Cote [CC BY-SA 4.0  (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0
Relevé post mortem décadactylaire - By Guillaume Cote [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0
Relevé post mortem décadactylaire - By Guillaume Cote [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0
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La sociologue Nathalie Heinich est aujourd'hui notre invitée pour présenter "Ce que n'est pas l'identité", son dernier livre paru chez Gallimard. Autour de la Grande Table, on parlera identité personnelle, identité religieuse, identité de genre, identité nationale … Mais comment définir l'identité ?

Avec
  • Nathalie Heinich Sociologue, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

La Grande Table des idées accueille aujourd'hui Nathalie Heinich, sociologue au CNRS, auteure de l’Elite artiste puis du Paradigme de l’art contemporain. Après Des Valeurs, Prix Pétrarque l’an dernier, Ce que n’est pas l’identité, son nouvel essai, paraît aujourd’hui chez Gallimard, dans la collection Le Débat. 

Ou comment mettre en débat une notion utilisée à tort et à travers, semblant signifier tout et n’importe quoi, pouvant provoquer des réactions épidermiques chez ceux qui ne s’y reconnaissent pas ...

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De L’Identité malheureuse d’Alain Finkielkraut à L'Illusion identitaire de Jean-François Bayart, du Malaise dans l’identité d’Hervé Le Bras aux « identités ambiguës » d’Etienne Balibar, de « l’énigme » de Marcel Detienne au Piège d’identité de Gilles Finchelstein … Les ouvrages sur l'identité ne manquent pas, et témoignent de la place de choix qu'occupe la notion dans le débat public.

Nathalie Heinich a choisi de définir l’identité au travers de ce qu’elle n’est pas. Délestée, allégée de toutes connotations superflues, l’identité se définit dans la perception qu’on a de nous-mêmes et dans le regard des autres. 

L’identité, c’est d’abord une représentation mentale que nous nous faisons de ce que nous sommes, de ce que sont les autres, de ce que sont des entités abstraites, telles qu’un pays par exemple. Et les représentations, c’est très difficile de les figurer.

L’identité n’est pas une entité objective, qui serait déjà là, et que nous n’aurions plus qu’à décrire. C’est quelque chose qui se construit. Ça n’est pas non plus quelque chose de mouvant, qui ne serait arrimé à rien et qui pourrait se modifier à sa guise.

On voit comment le même terme et la même problématique peuvent avoir des connotations politiques totalement opposées, selon qu’il s’agit de défendre le maintien de cultures considérées comme dominantes, ou le maintien de cultures considérées comme dominées.

Vouloir faire de cette problématique de l’identité une problématique politique est une erreur, et encore plus lorsque l’on veut l’identifier à un seul camp politique. Tous les camps politiques peuvent s’en emparer, selon la façon dont ils l’utilisent.

On voit comment se construit cette imbrication entre le fait de se définir par référence à un pays, et par rapport à une religion. Les deux ne sont absolument pas incompatibles, simplement selon les contextes, on va plutôt insister sur l’un, ou sur l’autre.

La question de l’identité […] ne se pose que quand elle est en crise. C’est un objet assez particulier, qui est transparent tant que tout va bien, et qui commence à devenir extrêmement opaque – et donc discuté – dès lors que ça ne va pas.

Ce sont des définitions contradictoires – l’assimilation, la différence – qui construisent notre rapport à l’identité. Nous pouvons selon les moments nous définir par ce que nous sommes comme personne irréductible ou comme individu appartenant à un collectif.

Tout collectif dont les conditions de vie évoluent est forcément exposé à la tentation de se replier sur le passé. La passion pour le patrimoine […] est une passion directement liée à la conscience de la perte, à tous ces phénomènes de modernisation.