La nation démocratique, une idée neuve pour 2020 ?

Façade de l'hôtel de ville d'Anvers  (Belgique)
Façade de l'hôtel de ville d'Anvers  (Belgique) ©Getty - Photography taken by Mario Gutiérrez.
Façade de l'hôtel de ville d'Anvers (Belgique) ©Getty - Photography taken by Mario Gutiérrez.
Façade de l'hôtel de ville d'Anvers (Belgique) ©Getty - Photography taken by Mario Gutiérrez.
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Réhabiliter la nation, une idée neuve pour 2020 ? À l'occasion de cette journée spéciale en partenariat avec la Nuit des idées, rendez-vous avec notre invité, David Djaïz, qui publie "Slow Démocratie" (Allary, octobre 2019). En présence de Martin Legros, rédacteur en chef de "Philosophie Magazine".

Avec
  • David Djaïz Haut fonctionnaire, essayiste et enseignant à Sciences-Po.

En cette journée spéciale "Quelles idées neuves pour 2020 ?", organisée par France Culture dans le cadre de La Nuit des idées 2020 : Être vivant, la nation serait-elle redevenue une idée neuve ? On en parle avec notre invité, David Djaïz, auteur et enseignant à Sciences Po, qui, après avoir publié La guerre civile n'aura pas lieu aux éditions Le Cerf en 2017, revient aujourd’hui avec Slow Démocratie (Allary, octobre 2019). 

La démocratie traverse une crise sans précédent. On sait désormais qu’elle est mortelle.    
(David Djaïz)

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Dressant le constat d’une mondialisation de plus en plus malheureuse, par opposition à l’euphorie qui perdurait avant la crise actuelle de la démocratie, il trouve trois moments fondateurs dans notre certitude croissante qu’un monde prend fin : Les années 1980, celles de la "mondialisation réglementaire", où des multinationales profitent de la levée des obstacles tarifaires et réglementaires et où se met en place tout un système dit "libéral". 

Puis, à partir de 1989, la "mondialisation technologique", avec la chute du Mur de Berlin et la fin du modèle communiste, qui voit émerger une triple révolution technique : généralisation du container dans le transport maritime ; développement d’internet ; essor de la finance de marché. Les entreprises réorganisent alors leurs chaînes de production à une échelle mondiale et les travailleurs à bas salaires apparaissent ; une minorité de travailleurs de plus en plus qualifiés et de mieux en mieux payés, les "nomades", s’opposent aux "sédentaires", en majorité, qui fournissent des biens et des services locaux et qui coûtent le moins cher possible. Une forme de solidarité, qui perdurait pendant les Trente Glorieuses, est mise en danger. 

Surtout, avec la crise financière de 2008, c’est la solidarité territoriale qui s'effrite : tandis que les aires métropolitaines continuent à prospérer, les régions déjà désindustrialisées s’affaiblissent encore. Resurgissent alors des régionalismes divers, le dernier acte, peut-être, de la fragilisation des nations démocratiques dans la mondialisation.

Je vois dans le Brexit la conséquence prévisible de quarante années de désordre économique. C’est-à-dire, d’une mondialisation mal maîtrisée où les inégalités sociales se sont creusées. Il y a une parenté étroite entre les crises que nous vivons et les disparités sociales.    
(David Djaïz)

Pour y faire face, nous dit David Djaïz, nous n’avons pas d’autre choix que de réhabiliter et réinventer la nation. Une idée contre-intuitive, sans doute, auprès des humanistes, progressistes, écologistes qui voient dans la nation une idole dépassée et qui l’associent au repli. Or la nation que défend David Djaïz, est loin du modèle prôné par les populismes identitaires et démagogiques, ainsi que de la nation des Trente Glorieuses. Il s’agit d’un système mis au service de la Slow Démocratie, laquelle valorise la délibération et l’espace commun contre la tendance actuelle de la mondialisation à l’accélération et à l’absence de limites.

La nation que je défends est la Nation démocratique qui apparaît après la Révolution. Il me semble que c’est la seule qui fait coexister la démocratie, la liberté civile et la redistribution sociale.    
(David Djaïz)

Une émission en présence de Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie Magazine, qui lance une collection annuelle de recueils de textes parus dans la texte internationale : " 20 Penseurs pour 2020" regroupe des contributions d'auteurs comme Eva Illouz, Hartmut Rosa, Peter Singer... des penseurs qui comptent autour d'enjeux qui montent.

Notant que la démocratie, dans les trente dernières années, si elle n'a cessé de s'étendre, a créé un sentiment diffus de cynisme. Il évoque notamment le politicologue Ivan Krastev, qui s’intéresse aux grands mouvements de la "démocratie des places" -les Indignés, les gilets jaunes, Occupy Wall Street- qui ont selon lui puissamment mobilisé les sociétés civiles mais qui ont échoué à produire des changements notables. Or, ajoute-il, c'est peut-être dans l'observation de ces échecs qu'il sera possible de sauver la démocratie.

La Grande table
27 min

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