La technologie au service du pouvoir ?

Main à rayons
Main à rayons ©Getty - John M Lund Photography Inc
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Pour une contre mythologie du progrès, comment reprendre le pouvoir sur des technologies qui entravent notre capacité d’être et d’agir ? On en parle avec Diana Filippova, essayiste, entrepreneuse, spécialiste des questions politiques et technologiques.

Avec
  • Diana Filippova Co-fondatrice de OuiShare, think tank de l'économie collaborative

Diana Filippova, éditorialiste et écrivaine, directrice de l’agence éditoriale Stroïka, est notamment connue pour son activité de Connector à OuiShare, un think tank collaboratif qu’elle a rejoint à 27 ans, après avoir travaillé pour Bercy, et pour être co-fondatrice du mouvement politique Place Publique. Dans Technopouvoir. Dépolitiser pour mieux régner (Les Liens qui Libèrent, 2019), elle se penche sur les technologies du numérique avec la volonté de s’éloigner des lieux communs à leur propos : déjà connus du grand public, il ne font souvent guère avancer le débat. 

Soucieuse de rendre accessible au quidam des savoirs généralement réservés aux experts, elle définit la notion de "technopouvoir" en s’inspirant du travail de Michel Foucault. Dans l’acception qu’elle adopte, écrit-elle, le technopouvoir renvoie au répertoire d’actions, stratégies et tactiques qui se fondent sur les techniques pour nourrir ceux qui exercent le pouvoir ou qui veulent le conquérir. 

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L'objectif des technologies numériques est de faire advenir l'Homo Oeconomicus, ce que j'appelle "l'homme sans qualité". C'est un homme sans subjectivité qui se réduit à l'homme data, gouvernable et prévisible, ce qui est très pratique pour le pouvoir.      
(Diana Filippova)

Se penchant sur l’histoire des technologies en lien avec l’émergence du capitalisme, elle en montre l’aspect insidieux : le "tournant polyphonique du technopouvoir" viserait selon elle à répondre à la multiplicité, à la fragmentation et à l’imprévisibilité des contestations. Ainsi, l’une des grandes forces de frappe dans la guerre secrète qu’instaurent les technologies et les instances de pouvoirs avec lesquelles elles entrent discrètement en collusion résiderait dans l’étouffement de toute forme de contestation dans l’espace public en procurant une impression de bien-être au citoyen lambda, mais encourageant en fait la guerre de tous contre tous et la dissolution des relations. Pour résister, il faudrait, écrit-elle, rétablir un état de friction et de conflictualité sur la scène publique, au vu et au su de tous. 

La neutralité technologique est une fiction, une illusion. La technologie n'a jamais été neutre. Elle a été instituée dans une certaine violence contre l'environnement, contre les corps, et donc jamais de manière neutre.      
(Diana Filippova)

En outre, le vieil adage selon lequel on peut faire de la politique sans faire de politique ne vaut pas : on n’est jamais trop radical, et une telle résistance exige que l’on fasse la guerre, pas l’amour. Pour preuve, si le mouvement des Gilets jaunes a tenu si longtemps, c’est bien parce qu’il s’est confronté aux réalités du terrain, menant son combat dans les rues plutôt que sur twitter.

La Grande table
26 min

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