Le monde de l'art est-il multipolaire ?

Cadre vide sur mur
Cadre vide sur mur ©Getty - kevinjeon00
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L’art contemporain est-il l’apanage du soft power occidental ? La galeriste Nathalie Obadia nous en parle dans "Géopolitique de l’art contemporain. Une remise en cause de l'hégémonie américaine?" (Le Cavalier Bleu, 2019).

Avec
  • Nathalie Obadia Galeriste à Paris et à Bruxelles, auteure et professeure à Science Po.

Alors que la 58ème édition de la Biennale d'Art de Venise s'est ouverte le 11 mai, et après une Grande Table Culture en présence de la vidéaste et plasticienne Laure Prouvost, qui investit le pavillon français de cette grande manifestation internationale, rendez-vous avec celle qui la représente à Paris : la galeriste Nathalie Obadia nous montre l'évolution des forces du marché de l'art contemporain dans l'essai Géopolitique de l’art contemporain. Une remise en cause de l'hégémonie américaine? (Le Cavalier Bleu, 2019).

Ainsi, parmi les domaines où l'Occident se veut prescripteur, les Etats-Unis en particulier, l'art contemporain est un véritable marqueur de puissance. Après le cinéma, il devient l'un des principaux vecteurs de soft power étasunien, véhiculant les valeurs de la société de consommation à travers les artistes de l'Abstract Expresionism puis du Pop art, s'opposant notamment au réalisme froid de l'art soviétique. Il bénéficie progressivement des discours légitimants de commentateurs tels que l’intellectuel Clement Greenberg, des critiques d'art et autres gate keepers associés aux marchands pour travailler à la percée "marketing" de ces oeuvres modernes.

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Les années 1950 et 1960, en particulier, marquent un âge d'or des Etats-Unis qui dominent la scène internationale. Participant d'une forme de messianisme patriotique, l'art contribue au sentiment national d'un pays qui en a fait une de ses prérogatives, à l'opposé des Etats européens plus soucieux de leur reconstruction économique. Posséder une oeuvre d'art contemporain devient un marqueur social, et des marchands comme Samuel Kootz incitent les artistes à faire de grands formats qui pourront être « exhibés » par leurs propriétaires. 

Avec la guerre du Vietnam, les Etats-unis cesse d'être ce pays porteur d'idéaux de liberté et de démocratie. Londres devient le nouveau centre d'Europe tandis que se développe "l'exception française", l'antiaméricanisme de Charles de Gaulle aidant, jusque dans le domaine des arts plastiques, en particulier avec l’arrivée de François Mitterrand à la présidence en 1981 et de Jack Lang, nommé ministre de la Culture. L'Europe, néanmoins, n'a pas pris le pas sur l'hégémonie américaine dans les galeries d'art, en particulier depuis que les Etats-Unis ont intégré la question des minorités comme prérogative nouvelle dès les années 1960. Tenir compte des demandes ethniques ou féministes aurait redonné un second souffle au soft power étasunien.

En dépit des scènes artistiques montantes, quoique limitées, que sont la Chine, l’Amérique latine ou l'Afrique, les Etats-Unis maintiennent leur statut hégémonique comme centre artistique mainstream, et ce en dépit des preuves de fermeture du président Donald Trump, fidèle au slogan "Make America Great Again_"_. 

La Chine n’a pas remplacé les Etats-Unis en termes de soft power, elle n’est pas l’exemple, alors que les Etats-Unis ont diffusé un "American  Way of Life" dans tous les domaines.                        
(Nathalie Obadia)

La Grande table culture
28 min

Extraits sonores : 

  • Les grands collectionneurs : Alain-Dominique Perrin (France 5, Xavier Lefèbvre, 2017)
  • Illa Donwahi, Présidente de la fondation Donwahi, "Made in Africa", les défis du marché de l’art contemporain ivoirien (RTI Officiel, 22/05/2018)

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