

Le philosophe Michaël Foessel montre le pouvoir politique du plaisir, des occupations joyeuses d'usines à la colère suscitée par la fermeture des théâtres et des bars lors des confinements. L'auteur de "Quartier Rouge" est notre invité aujourd'hui.
- Michaël Foessel philosophe, spécialiste de la philosophie allemande et de la philosophie contemporaine, et professeur à l'école Polytechnique
Michaël Foessel est philosophe, professeur à l’Ecole polytechnique. Il est notamment l'auteur de Kant et l’équivoque du monde (CNRS Éditions, 2008), La Nuit. Vivre sans témoin, (Autrement, 2017, nouvelle édition 2018), Récidive (PUF, 2019).
Peut-on encore être de gauche et aimer le steak frites? C'est la question que semble poser son nouveau livre, Quartier Rouge (PUF). La gauche progressiste est en effet accusée d'être de plus en plus moraliste et ascétique, entre obligation de modération à l'aune de la crise climatique et souci de l'auto-critique face aux minorités. La droite hédoniste aurait pris la défense du plaisir. Ainsi nous dit Michaël Foessel, "les moeurs, nos manières de vivre, le vivre joyeusement ensemble" est souvent récupéré par "une catégorie de youtubeurs virilistes qui se plaignent que c'est la faute aux féministes, ou aux vegans, ou aux végétariens, ou aux écologistes…".
Michaël Foessel montre qu’il est devenu urgent de réfléchir à nouveau sur la dimension émancipatrice du plaisir. En effet, on a aujourd’hui tendance à porter une attention de plus en plus exclusive à la souffrance ou au désir comme origine de la critique sociale. Or le plaisir a une vraie valeur politique. Il permet au discours de rejoindre le réel.
L’importance politique du plaisir s’est rappelée à nous avec les manifestations des gilets jaunes, notamment dans leur manière de détourner les ronds-points pour en faire des lieux conviviaux. De même avec les confinements et couvre-feux successifs imposés face au Covid-19. L'interdiction d’aller au théâtre, au cinéma ou même simplement de se promener a relancé les débats sur l’acceptabilité du contrôle sociale.
Michaël Foessel distingue notamment le “plaisir-confirmation”, soit “le fait de voir dans un film la confirmation de ce que l’on pensait déjà, de son préjugé, de son désir". S’établit ici un rapport plutôt conservateur au plaisir, “car notre goût est confirmé” dit-il. A contario, le plaisir de distanciation, “nous déplace un peu de notre identité". Par exemple, avec le film des Valseuses de Bertrand Blier, on ne rit pas par misogynie, mais de la misogynie.
Le plaisir devrait donc redevenir un enjeu pour la gauche. Ses principes n’ayant plus d’effet dans le réel. Le parti socialiste a en outre abandonné la promesse que portait son emblème - le poing et de la rose dont les épines servent d’avertissement : le plaisir et la joie ont le pouvoir de subvertir l’ordre établi. Un pouvoir de subversion et d’émancipation du plaisir qu’il faudrait réhabiliter aujourd’hui, à l’heure où le capitalisme prétend avoir formaté notre bonheur.
Extraits sonores
- Extrait du film Le Joli Mai (Chris Marker, Pierre Lhomme, 1963)
- Extrait du film Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974)
- Fabien Roussel, France 3, "Dimanche en politique", 09/01/2022
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