Nastassja Martin et l'anthropologie des frictions

Incendie dans la savane brésilienne
Incendie dans la savane brésilienne ©Getty - Lucas Ninno
Incendie dans la savane brésilienne ©Getty - Lucas Ninno
Incendie dans la savane brésilienne ©Getty - Lucas Ninno
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Elle interroge le sauvage et l'interpénétration des mondes... Après "Croire aux fauves" qui lui a valu le prix Joseph Kessel en 2020, l'anthropologue Nastassja Martin signe la préface de "Friction", l'ouvrage de l'anthropologue Anna L.Tsing, qu'elle a également traduit.

Avec
  • Nastassja Martin Anthropologue diplômée de l’EHESS et spécialiste des populations arctiques.

Nastassja Martin est anthropologue. Pendant neuf ans, elle a étudié le peuple des Gwich’in, qui vit entre le nord-est de l’Alaska et le nord-ouest du Canada – une expérience à partir de laquelle elle écrit sa thèse, Les Âmes sauvages (La découverte, 2016) -, puis, côté russe, les Evènes au Kamtchatka, de l’autre côté du détroit de Béring. Disciple de Philippe Descola, elle se voit décerner le Prix Joseph Kessel 2020 pour Croire aux fauves (Éditions Verticales), où elle fait le récit de sa rencontre avec un ours, une expérience initiatique à laquelle elle survit miraculeusement (l'ours emporte une partie de sa mâchoire) et à laquelle elle s'efforce de donner du sens en puisant dans la cosmologie animiste des Evènes.  

Il s'agit de trouver, d'inventer de nouvelles formes de récit. Pour cela, on se pose la question du contenu, mais aussi de la forme.                        
(Nastassja Martin)

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Il ne faut pas fermer les yeux ni les mots du cœur, parce que dans ce cas, on se ferme à l'inattendu.                    
(Nastassja Martin)

Par les temps qui courent
1h 00

C'est cet animisme qui, précisément, permettrait de recréer des liens avec le vivant autour de soi en considérant que tous les êtres partagent une âme, une force animée commune. Par cette croyance appartenant à de nombreux groupes indigènes, Nastassja Martin révèle une manière de retrouver le dialogue avec le monde qui nous entoure et de poser sur lui un regard moins anthropocentré, qui nous permettrait de mieux appréhender la crise environnementale : nous inspirant de la cosmologie animiste, nous pourrions cesser de vouloir tout réduire à la certitude et accepter que tout n'est que métamorphose, que le comportement des animaux, des plantes, déborde nos attentes et nous surprend.

C'est la formidable opportunité du virus : nous perdons notre statut surplombant de traducteur des mondes.                      
(Nastassja Martin)

Une idée que l'on peut rapprocher de la thèse défendue par Anna Lowenhaupt Tsing : dans son livre Friction. Délires et faux-semblants de la globalité - dont Nastassja a rédigé la préface -, elle nous invite à voir les zones de contact entre les êtres et les choses en renonçant à notre dualisme. Une manière de repenser notre rapport au monde et la pratique même de l'anthropologue, traducteur, en quelque sorte, de ces frictions entre les êtres.

Anna Tsing ne s'intéresse pas à la stabilisation d'ontologies différentes, soit à des manières d'être au monde, mais à ce qui se passe entre ces mondes.                        
(Nastassja Martin)

Le premier projet de ce livre, c'est de faire sentir au lecteur la brutalité de la « zone frontière », de ce front de colonisation, et de le placer de manière sensible au bord de l'abîme qui s'est ouvert sous ses propres pieds à elle lorsqu'elle est arrivée sur le terrain. Il faut réinventer une forme de récit pour traduire ce qu'il se passe sur ces zones frontières et restituer les conditions de production de la recherche.                        
(Nastassja Martin)

La Grande table culture
28 min

Extraits sonores : 

  • Anna Tsing à La Grande table le 30 mai 2018
  • Philippe Descola à La Grande table le 25 octobre 2018

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