Peut-on écrire une généalogie du mal ? Le réalisateur et écrivain allemand Chris Kraus s’y essaye dans "La Fabrique des salauds" (Belfond, août 2019). Un roman vertigineux qui fait passer un ancien nazi au service de la RFA et que l'auteur a écrit en puisant dans son histoire familiale.
- Chris Kraus réalisateur et écrivain allemand
En amont de l'écriture de La fabrique des salauds, Chris Kraus, à la manière de Jonathan Littell, a exploré pendant des années les archives de sa famille et les documents historiques pour retracer le parcours de son grand-père ayant collaboré avec le régime nazi. De la SS au KGB, de la CIA au Mossad, le personnage de Koja multiplie les identités comme autant de pièces d'un puzzle dont on peine à trouver la cohérence. Chris Kraus élabore le portrait complexe de personnage ayant basculé dans les crimes les plus atroces de façon banale.
Se justifier de façon rétrospective c’est quelque chose d’humain. Ce qui me fascine, c’est de comprendre pourquoi mon grand-père n’a jamais eu cette réflexion, il ne s’est jamais dit "oui, je suis coupable." Je n’ai pas trouvé la vérité. Il y a toujours quelque chose qui demeure inexpliqué.
(Chris Kraus)Publicité
Ce texte est aussi le portrait de la lâcheté, celle de Koja, qui, par instinct de préservation, s'est toujours offert au plus fort et au plus offrant en dépit du bon sens et, parfois, au risque de sombrer dans l'horreur. Le récit ne se contente pas de décrire l'horreur de la Seconde Guerre Mondiale mais narre, chose plus rare, la trajectoire des protagonistes qui y ont survécu et dont toute la trajectoire découle de ce crime originel.
Je voulais que le lecteur comprenne pourquoi le protagoniste agit de telle ou telle manière. Il y a des événements dans la vie du personnage qui expliquent pourquoi il agit comme il le fait. A chaque fois que le mal apparaît, c’est sous une nouvelle forme. J’ai travaillé sur ma famille pour qu’à l’avenir on le reconnaisse et qu’on arrive à l’éviter.
Chris Kraus
Ce texte déroutant mène parfois le lecteur, contre sa volonté, à éprouver de l'empathie pour des personnages aux actes barbares mais dont l'auteur, en évitant tout manichéisme, parvient à exprimer les failles.
Extraits sonores:
- Hannah Arendt sur Eichmann « Du devoir de la désobéissance civile » ARTE 2015
- Otto SKORZENY 7 juillet 1975 - Inter actualités de 13H00 du 7 juillet 1975
- PETER SLOTERDIJK sur la culpabilité allemande, Hors champs, France Culture, 27/06/2016
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