La France commémore en 2022 les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie. Pourtant, les mémoires sont toujours vivaces, même parmi les jeunes en France. Paul Max Morin analyse ce phénomène dans "Les Jeunes et la guerre d’Algérie. Une nouvelle génération face à son histoire", publié le 2 mars 2022.
- Paul Max Morin Chercheur en science politique
"L’Algérie se lit autant dans le couscous du vendredi que dans la tristesse de papi, dans les insultes en langue arabe ou … sur les Arabes" (p.23). Dans cette phrase, tirée de son ouvrage Les Jeunes et la guerre d’Algérie. Une nouvelle génération face à son histoire, publié aux Presses Universitaires de France le 2 mars 2022, le chercheur au CEVIPOF Paul Max Morin illustre combien l’Algérie et ses mémoires de la colonisation, de la présence française puis de la guerre en Algérie continuent à exercer une forte influence plus d'un demi-siècle plus tard. Il affirme : "ces 60 ans sont un anniversaire spécial car ils correspondent à une rupture générationnelle, avec la disparition de ceux qui ont vécu la guerre. Et une nouvelle génération qui émerge des petits-enfants, des jeunes d’aujourd’hui qui ont entre 18 et 25 ans. Ils expriment des besoins spécifiques envers cette histoire-là pour mieux se sentir ancrés en France."
Ainsi, 39 % de jeunes Français auraient un lien familial avec l'histoire de la colonisation algérienne. À travers une centaine d’entretiens menés avec des descendants de pieds-noirs, d’appelés, de harkis, de Juifs algériens, de militants de l’OAS ou d'immigrés algériens, le chercheur montre que tous se constituent à partir d’une mémoire encore présente dans leur famille. "Ces groupes mémoriels n’ont pas eu le même vécu, ils étaient enfermés dans des catégories coloniales différentes. Cela se répercute dans ce qu’on raconte à la maison. Les contenus des mémoires familiales sont pas les mêmes et la forme des récits est aussi différente", explique Paul Max Morin.
Mais la force de l’ouvrage de Paul Max Morin, c’est aussi de proposer une autopsie de la jeunesse française en interrogeant près de 3000 personnes âgées de 18 à 25 ans. Si certains sont personnellement concernés par la guerre d’Algérie, d’autres jeunes se relient à la période par le biais de l’école, de musiques ou de films. Pourtant, le système éducatif est assez critiqué : "on parle d’un déni d’enseignement : ça m’a beaucoup étonné dans ma recherche, mais c’est parce qu’on a enseigné la guerre comme sensible et oubliée. Les jeunes restituent cela en disant que c’est sensible, que c’est oublié." Au final, "on en parle pour dire qu’on n’en parle pas."
Ainsi, Paul Max Morin explique que chez les jeunes sont en demande pour de meilleurs apprentissages et savoirs sur la guerre d'Algérie. Il réfute l’idée de tensions des mémoires parmi la jeunesse française : "c’est vraiment une idée reçue que j’ai voulu déconstruire : il n’y a pas de guerre des mémoires et le cloisonnement des groupes mémoriels ne s’est pas prolongé chez les jeunes d’aujourd'hui (…). Le clivage est surtout politique : notre rapport au passé algérien reste une source de clivage politique plus que mémoriel". Mais si ces jeunes "font souvent un retour sur cette histoire-là", c'est aussi "car ils sont victimes de racisme ou d'antisémitisme, donc ils posent un regard sur eux". Connaître l'Histoire pour mieux se comprendre, voilà ce que nous enseigne Paul Max Morin.
Extraits sonores
- Extrait du podcast Spotify "Sauce algérienne" réalisé par Paul Max Morin - " Episode 5 : Les accords déviants "
- Extrait du podcast Spotify "Sauce algérienne" réalisé par Paul Max Morin - " Episode 1 : Les bruits et les odeurs "
- Extrait du podcast Spotify "Sauce algérienne" réalisé par Paul Max Morin - " Episode 2 : Génération identités "
- Extrait du podcast Spotify "Sauce algérienne" réalisé par Paul Max Morin - " Episode 5 : Les accords déviants "
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