"J'avais envie que les gens pleurent" : Arnaud Desplechin met en scène "Angels in America" de Tony Kushner à la Comédie Française (du 18 janvier au 27 mars 2020).
- Arnaud Desplechin Cinéaste
Le réalisateur Arnaud Desplechin signe pour la Comédie Française sa deuxième mise en scène, après Père de Strindberg en 2015. Il intègre ainsi au répertoire l’auteur étasunien Tony Kushner, traducteur de Brecht et de L’illusion comique, qui s’est parfois présenté comme gay, marxiste et juif.
Ce qui fait de Kushner un visionnaire, c’est la singularité juive et la singularité homosexuelle; qu’on est un par un et que, pourtant, on fabrique un tout, un pays ou une salle de spectacle. Il propose un universel basé sur une collection de singularités. Et je trouve cette universalité extrêmement contemporaine.
(Arnaud Desplechin)Publicité
Sa pièce Angels in America est une œuvre majeure sur le sida, le déclin d’une civilisation en proie l’angoisse eschatologique, et les années Reagan. Elle entrelace deux histoires d’amour d’une extrême intensité : d'une part, le couple de Harriet, mormone addicte au valium, et de son époux Joe, mormon gay ; d’autre part, le héros Prior Walter, séropositif en dialogue avec les anges, et son compagnon Louis Ironson qui le quitte lors de l’annonce de la maladie, et qui incarne un double de l’auteur autant que ce dernier le rejette.
Kushner disait : "cette pièce invite au merveilleux théâtral". Et on s’est servi de tous les artifices possibles du théâtre. Ce désir de Broadway chez Kushner m’emballe !
(Arnaud Desplechin)
Roy Cohn est un autre des pôles de cette œuvre qui représente tout : progression de la maladie, arrivée des anges par le plafond, retour des morts et scène de rupture en split-screen. Roy Cohn est un avocat notoire du maccarthysme, homophobe virulent mort du sida, et conseiller du jeune Donald Trump.
Tout dans la pièce vient vibrer; je parlais de Roy Con, cet avocat véreux… le désir de monter la pièce est née le jour où Donald Trump a été élu. Roy Con a été l’un des tout premiers avocats de Donald Trump. Je trouvais qu’il y avait une sorte de bégaiement que je ne comprenais pas. Et, quand on ne comprend pas quelque chose, il faut en faire du théâtre.
(Arnaud Desplechin)
Chacun des huit acteurs incarne l’Amérique à sa façon. Roy Con, joué par Michel Vuillermoz, incarne tous les péchés de l’Amérique, mais aussi toute la puissance du théâtre.
(Arnaud Desplechin)
Là où la pièce originelle dure sept heures en deux parties (Millenium Approaches et Perestroïka), le réalisateur de Roubaix, une lumière a puisé chez Christophe Honoré (Les Idoles) et Robin Campillo (120 battements par minute) pour une version condensée dans laquelle il dit rechercher l’universel, sortir du cadre étasunien pour montrer la singularité de cet amour homosexuel. Alors que sept acteurs sont seuls pour incarner plus de vingt rôles, la pièce allie culture populaire (humour des réflexions à la Friends) et références savantes (Shakespeare, Albee, O’Neill,…) au service de ce que Arnaud Desplechin nomme une "poétique de l’impureté", et qui semble avoir guidé son travail.
Tony Kushner embrassant cette maladie terrible signe une pièce pour la vie. Cette une ode à la vie qui parle d’une maladie mortelle. J’aime l’impureté de cette pièce qui mélange le sublime et le trivial, la culture noble et la culture populaire, le rire et les larmes.
(Arnaud Desplechin)
La réduction de la pièce s’est faite dans la fièvre. Je connaissais bien le texte, je l’avais découvert dans la très belle mise en scène de Brigitte Jaques Wajeman. J’ai tenu à être très fidèle à la structure de la pièce, et, plus je condensais la pièce, plus les rapports amoureux s’enflammaient.
(Arnaud Desplechin)
L'Avant-Scène Théâtre consacre son numéro de janvier 2020 à la mise en scène d'Angels in America par Arnaud Desplechin.
Extraits sonores :
- Tony Kushner sur les origines de la pièce (interview par Charlie Rose, 10 mai 1993)
- Roy Cohn par Michel Vuillermoz : extrait d'Angels in America mis en scène à la Comédie Française par Arnaud Desplechin (2020)
- Pierre Laville, traducteur de la pièce ("Personnages en personne", France Culture, 17 février 2019)
- Kader Attia et les spectres d'une communauté ("L'Heure bleue", France Inter, 22 novembre 2016)
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