Le vrai est un moment du faux, avec Fabrice Humbert

Fabrice Humbert
Fabrice Humbert - Francesca Mantovani
Fabrice Humbert - Francesca Mantovani
Fabrice Humbert - Francesca Mantovani
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"Le Monde n’existe pas", un polar publié chez Gallimard où fiction et réalité se rejoignent. Fabrice Humbert, son auteur, nous en parle.

Avec

Après Autoportraits en noir et blanc (Plon, 2001), Avant la chute (Passage, 2012) ou encore Eden Utopie (Gallimard, coll. "Blanche", 2015), Fabrice Humbert, notre invité, nous parle de son dernier roman, Le Monde n’existe pas (Gallimard). 

Dans ce troisième roman se situant entièrement ou en partie aux Etats Unis, le journaliste Adam Vollmann voit s’afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d’un homme recherché qu’il reconnaît : il s'agit d'Ethan Shaw, le bel Ethan, celui-là même qui, qui vingt ans auparavant, était la star du lycée, et son seul ami. Il est désormais accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l’enquête. Un polar, forme à laquelle l’auteur est très attaché, qui aborde la thématique de l’identité, la question des vies possibles, des choix déterminants de l’existence, du bien et du mal... autant de thèmes que l’on retrouve tout au long de son œuvre. 

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L’éloignement est assez bon en narration. […] Le choix des Etats-unis s’imposait car c’est peut-être un territoire qui existe, mais c’est surtout un territoire de fiction. En général, lorsque l'on imagine les Etats-Unis, ce qu’on voit, ce sont des films. Dans un livre sur l’illusion, forcément, les Etats-Unis, c’était le bon choix.            
(Fabrice Humbert)

Fabrice Humbert rencontre le succès en 2009 avec son troisième roman, L'Origine de la violence, livre à caractère autofictionnel racontant l'histoire d'un professeur de lycée qui visite le camp de concentration de Buchenwald avec ses élèves et qui croit reconnaître son père dans la photo d'un détenu. Le livre remporte le prix Orange du livre en 2009, le prix Renaudot du livre de poche en 2010 et le prix littéraire des Grandes Écoles. Il est également adapté au cinéma par Elie Chouraqui en 2016. 

On pourrait dire tout bonnement qu’un roman s’écrit toujours à partir de quelque chose, donc que, forcément, on se raconte. Mais la vérité des choses, c’est que, très étrangement, on découvre parfois qu’on s’est raconté alors qu’on n’aurait jamais voulu le faire. […] Dans le personnage d’Adam Vollman et dans celui qu’il recherche, Ethan Shaw, j’ai eu une révélation : les deux étaient moi. C’était un peu désagréable, je n’en avais pas du tout conscience en l'écrivant.            
(Fabrice Humbert)

Le Monde n’existe pas se présente comme un page-turner, forme intéressante pour aborder des thèmes aussi complexes que l’identité ou la vérité. D’une certaine manière, il s’agit là d’un livre sur la littérature même, et sur la fabrique d’un récit. En plus de jouer avec la frontière très subtile entre le vrai et le faux - Adam est-il objectif ? A partir de quand l’enquête bascule-t-elle dans la paranoïa et la fantasmagorie ?- sont abordées des thématiques comme celle de l’adolescence et de la construction intime de l’identité, le tout dans une tonalité à la fois mélancolique et étonnante, de même que transparaît l’opposition entre l’intellectuel homosexuel new-yorkais et les personnages de prolétaires de Drysden. 

En outre, "Qu’est-ce que le vrai ?" est la grande question que pose ce roman. Sans y répondre, Fabrice Humbert propose une réflexion vertigineuse sur la construction d’un récit, sur la notion d’identité, sur la vérité, sur la frontière entre le vrai et le faux.

Je pense que la fiction et la réalité se rejoignent, que c’est notre nature qui est fictionnelle. L’histoire humaine est faite de fictions réalisées. En tant qu’individus, nous sommes traversés de fiction, nous sommes une idée de nous-même, nous sommes une image.            
(Fabrice Humbert)

Les écrans sont là, ce sont des images de la réalité, la réalité est vue à travers des images. Et les êtres sont pris dans cette dématérialisation. On peut voir cela comme une dissolution.      
(Fabrice Humbert)

La Grande table idées
34 min

Extraits sonores : 

  • Ragging Bull (Martin Scorsese, 2000)
  • Monty Python : La Vie de Brian (Terry Jones, 1980)

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