Les années 10, quand l’art contemporain est devenu fou

Le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons
Le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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"Le monde de l'art devient fou" : telle était la une du New York Post dernièrement. La critique d'art Roxana Azimi, journaliste et spécialiste du marché de l'art, se livre avec nous à un retour sur l’année 2019 dans l’art contemporain

Maurizio Cattelan a exposé cinq versions de Comedian, une banane scotchée au mur qui a été vendue 120 000 dollars à Miami, avant d'être mangée par un autre artiste. Pour la critique Roxana Adimi, une telle démarche relève de la critique humoristique, d'un regard qui sape le sérieux du marché de l'art. La banane de la discorde s'inscrit en miroir d'un autre rouleau de scotch, celui qu'utilisait l'artiste pour fixer au mur son galeriste Massimo de Carlo à la fin des années 1990. Il mettait ainsi en scène la prise de pouvoir de l'artiste sur ceux qui le font vivre. Pour la critique du Monde, Cattelan "sait absolument quelle manette actionner pour faire réagir". Dès lors, la vraie question est  celle du regard médiatique, bien plus que celle du marché de l'art.

Regarder à travers la lorgnette du marché, ce n' est pas forcément un travers, le marché est une chose qui existe, qui est indispensable [...]. Ce n'est pas tellement le marché en tant que tel, c'est surtout regarder le marché sans critique qui peut être problématique, et je pense que toutes la presse ne tombe pas dans ce travers de dévider des prix records.                  
(Roxana Azimi)

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La Théorie
4 min

Roxana Azimi répond aussi à la question de l'autonomie du marché de l'art, face à des bouleversements politiques tels que le Brexit. Si 2019 a vu diminuer la quantité de ventes spectaculaires, il faut déplacer la focale vers les plus petites galeries autant que vers les lieux de culture destinés à un public plus large. 

L'art contemporain est devenu quelque chose de familier ; beaucoup de lieux ont été créés, dédiés à l'art contemporain [...]; C'est la floraison des lieux d'art qui a aussi poussé les gens à regarder là.                  
(Roxana Azimi)

D'autre part, l'industrie du luxe use de l'art pour s'anoblir, comme le montrent diverses fondations liées aux marques du luxe, de LVMH à Max Mara. Par-delà ces acteurs, Roxana Azimi rappelle que ce sont toujours quelques artistes sulfureux qui occupent le devant de la scène médiatique, alors même qu'avec " Futur, ancien, fugitif", le Palais de Tokyo expose actuellement ceux qui sont en marge, loin des premiers de cordée et de l'intérêt des collectionneurs.

On ne peut pas continuer dans le champ de l'art à fonctionner d'une manière monolithique, et à ne regarder qu'une seule voie artistique, qu'une seule voie sociétale. Mais il y a une autre chose aussi, un peu pour revenir à Cattelan : redonner la parole à ceux qui ne l'avaient pas. C'est vrai que les artistes prennent la parole aujourd'hui. Ce qui m'a frappée moi, c'est la montée en puissance d'artistes issus des minorités [...]. Ce qui est pour moi le phénomène le plus marquant de ces dernières années, c'est la politisation des artistes, le fait qu'ils n'aient plus peur de s'affirmer comme des êtres politiques. Ils sont devenus des militants qui agissent dans la société.          
(Roxana Azimi)

La Grande table idées
33 min

Extrait sonore : 

  • Maurizio Cattelan, dans son premier discours public pour la réception du titre de professeur honoraire de Sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Carrare, en 2018.

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