Mariana Otero/Gilles Caron : échanges de regards

"Histoire d'un regard", de Mariana Otero, sortie le 29 janvier 2020
"Histoire d'un regard", de Mariana Otero, sortie le 29 janvier 2020 - Allociné
"Histoire d'un regard", de Mariana Otero, sortie le 29 janvier 2020 - Allociné
"Histoire d'un regard", de Mariana Otero, sortie le 29 janvier 2020 - Allociné
Publicité

100 000 clichés à la recherche du photographe Gilles Caron, disparu à 30 ans et dont cette année 2020 marque les 50 ans de sa disparition. Mariana Otero nous en parle à l’occasion de la sortie d’"Histoire d’un regard" (en salle le 29 janvier 2020).

Avec

Mariana Otero est la réalisatrice du film-documentaire Histoire d'un regard. Cette exploration dans le cheminement du photographe Gilles Caron paraît à l'occasion du cinquantenaire de sa disparition sur la route n°1, qui relie le Cambodge au Vietnam.

Je l’ai tutoyé dans ce film parce que j’ai passé 6 mois à chercher dans ses photos, en cherchant à retrouver l’ordre dans lequel elles ont été prises, j’ai véritablement suivi son cheminement physique et intellectuel ; je pense que le "tu" convoque sa présence plus fort que le "il" et entraîne le spectateur dans sa recherche.                              
(Mariana Otero)

Publicité

Le documentaire est sous-titré "A la recherche de Gilles Caron", étant mené comme une enquête à la recherche d’un homme et de son regard au travers de ses photos. La réalisatrice dit se demander comment aurait évolué l’art de sa mère si elle était restée en vie plus longtemps. Elle se pose au terme du documentaire la même question au sujet de Gilles Caron, après avoir cité sa dernière lettre écrite à sa femme la veille de sa disparition : lettre dans laquelle il affirme que l’agence va lui trouver un remplaçant, qu’il ne repartira plus.

J’ai cru me noyer plusieurs fois. J’ai eu accès à ses 100 000 photos, ce qui est une chance incroyable. Et elles étaient dans le désordre, ce qui a été le déclencheur de mon enquête. Pour comprendre le cheminement de Gilles Caron, j’ai dû retrouver l’ordre de ses photos. C’est ce travail essentiel qui m’a rapproché de lui.                              
(Mariana Otero)

Il est l'un des premiers à avoir questionné à travers ses photos la démarche de l'observateur, du regardeur, sa place, son intervention, son rôle, la dimension éthique de ses clichés. Il semble avoir une conscience aiguë de la place ambiguë du photojournaliste que Mariana Otero qualifie de la façon suivante : "A la fois témoin et acteur, accusateur et complice : Il fait partie de la scène". A son retour du Nigeria en juillet, alors qu’il en rapporte des clichés tragiques de la famine, ses photos sont utilisées, pour le meilleur comme pour le pire, à des fins politiques et humanitaires.

La manière dont il s’intéresse aux gens m’a frappé. Il n’est pas là juste pour raconter l’actualité, il est là pour comprendre les gens, pour saisir quelqu’un. J’ai été sensible à son attention aux corps et aux regards, il y a toujours une rencontre c’est cela qui caractérise son travail. Il essaye de saisir les gens dans leur singularité, il ne les réduit jamais au statut de victime.      
(Mariana Otero)

Le documentaire s’attarde principalement sur le travail de Gilles Caron en tant que reporter de guerre, mais certaines de ses photographies les plus connues sont celles du monde culturel parisien. Pour lui, comme on l’entend le raconter dans le documentaire, couvrir la guerre en Israël ou obtenir un cliché de Juliette Gréco et Michel Piccoli lors d’une première à l’Olympia, voilà qui revient au même. Quand on observe la beauté formelle des photographies de François Truffaut et Jean-Pierre Léaud ou de Jane Birkin et Serge Gainsbourg présentées dans le documentaire, on se demande si c’est l’icône qui fait la valeur de la photographie ou l’objectif photographique qui constitue l’icône.

Ma théorie est qu’il devient photographe pour montrer ce qu’il n’a pas pu dire dans la guerre d’Algérie. Ce qui l’anime au départ, c’est cela, raconter ce qu’il a vu. Au fur et à mesure de sa carrière, il va se poser toutes les questions que se pose un photo-reporter, mais pas théoriquement, il se pose ces questions dans ses photos.                              
(Mariana Otero)

L’un des éléments marquants de ses photographies de Mai 68 est la place centrale de femmes anonymes. Celle-ci rend Mariana Otero mélancolique, sa mère étant décédée en mars 1968. C'est aussi le début des révoltes étudiantes à Paris qui gagnent toute la France et provoquent une grève générale ; Gilles Caron couvre au quotidien ces manifestations étudiantes dans la capitale et suit même le président Charles de Gaulle, en visite officielle en Roumanie entre le 14 et le 18 mai.

Je trouve que le documentaire est un lieu de liberté d’écriture et d’invention. C’est plus compliqué d’être libre en fiction, je crois, car il y a plus d’argent.                              
(Mariana Otero)

La Grande table idées
34 min

Extraits sonores: 

L'équipe