Michel Piccoli : "Merveilleux, excentrique, fantasque, menaçant" (Jane Birkin)

Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963)
Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963) ©Getty - Hulton Archive / Intermittent
Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963) ©Getty - Hulton Archive / Intermittent
Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963) ©Getty - Hulton Archive / Intermittent
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L'acteur Michel Piccoli, c'était une filmographie aussi impressionnante qu'extravagante, de Luis Buñuel à Jean-Luc Godard, sans oublier les planches, où il a fait ses débuts... On en parle avec le critique et historien Michel Ciment, Jane Birkin et le metteur en scène Peter Brook.

Avec

Michel Piccoli, monstre sacré du cinéma français, a joué dans plus de 150 films, de La Grande Bouffe (Marco Ferreri, 1973) à Habemus Papam (Nani Moretti, 2011), son dernier grand rôle.

Piccoli a abattu toutes les frontières entre toutes les catégories (…) Il pouvait être un homme de télévision, avec le fameux "Don Juam" de Marcel Bluwal, il était au théâtre avec les plus grands grands- Peter Brook, Patrice Chéreau, Luc Bondy...-, avec les gens de la Nouvelles Vague (Chabrol, Godard)...                
(Michel Ciment)

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Ce n'était pas une star : la star se pose des questions financières (…) alors qu'il pouvait travailler avec des metteurs en scène qui n'ont pas eu beaucoup de succès.                
(Michel Ciment)

Baignant dès l'enfance dans un milieu d'artistes (sa mère, Marcelle Expert-Bezançon, est pianiste, son père, Henri Piccoli, violoniste), il découvre son goût pour la comédie à l'âge de neuf ans : alors pensionnaire à Compiègne, il interprète un personnage du conte d'Andersen, Les Habits neufs de l'empereur. A 18 ans, il souhaite s'adonner à la comédie et suit une formation de comédien au cours Simon, avant que la Seconde Guerre mondiale ne le contraigne à s'exiler en Corrèze - une période qui voit naître son engagement contre les extrêmes.  

Après la Libération, il fait ses débuts au cinéma en tant que figurant dans Les Sortilèges de Christian-Jaque, et obtient son premier rôle en 1949, dans le film Le Point du jour (1949) de Louis Daquin.

Sa consécration arrive dans les années 1960 : en 1962, il est âgé de 37 ans quand sort Le Doulos de Jean-Pierre Melville, où il joue un truand face à Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani. Puis viennent Le Mépris de Jean-Luc Godard, des films avec René Clément (Paris brûle-t-il ?, 1966), Alain Resnais (La guerre est finie, 1966), Roger Vadim (La Curée, 1966), Alain Cavalier (La Chamade, 1968), Jacques Demy (Les Demoiselles de Rochefort, 1967) ou Alfred Hitchcock (L’Etau, 1969)... 

Fidèle aux réalisateurs avec lesquels il travaille - "Je joue autant sinon plus la personnalité du réalisateur que celle du personnage", dit-il en 2011 à Télérama-, il entre dans des collaborations durables : sous la direction de Luis Buñuel (Le journal d'une femme de chambre, 1964 ; Belle de jour, 1967...), de Claude Sautet (Les choses de la vie, 1970 ; Max et les ferrailleurs, 1970 ; Vincent, François, Paul... et les autres, 1974) ou encore de Marco Ferreri. Dans La Grande Bouffe, un des plus gros scandales du Festival de Cannes en 1973, il participe à une orgie de nourriture, de sexualité et d’excès, aux côtés de Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Ugo Tognazzi.

Il voyait bien la différence entre l'homme et l'artiste : l'artiste pouvait être un révolutionnaire, un surréaliste, comme Buñuel, et, en même temps, un homme très conformiste qui avait peur du changement.                
(Michel Ciment)

Pour son dernier grand rôle dans Habemus Papam (Nani Moretti, 2011), il incarne un pape tout juste élu et tourmenté par l'idée ne pas être à la hauteur. Egalement passé derrière la caméra (Alors voilà, 1997 ; La Plage noire, 2001 ; C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé, 2005), il se dit soucieux de ne pas rester bloqué dans son métier d'acteur (Libération, 2013).  

A plus de 90 ans, dans un livre d'entretiens avec son ami Gilles Jacob ( J'ai vécu dans mes rêves), il confie sa pensée sur la mort et la perte de mémoire, néfaste pour un acteur. Quatre fois nommé aux César, notamment pour La Belle Noiseuse de Jacques Rivette en 1992, il n'a jamais été récompensé. Il n'en reste pas moins l'un des derniers géants du cinéma français.

Pour en parler, rendez-vous avec Michel Ciment, producteur, historien et critique de cinéma, qui avait notamment interviewé Michel Piccoli à l'occasion de la sortie du film Habemus Papam en 2011, dans l'émission Projection privée.

Avec la participation de Jane Birkin, amie et voisine de Michel Piccoli. Elle avait joué  à ses côtés dans La Belle Noiseuse (1991) de Jacques Rivette, La Fausse suivante (1985), mis en scène par Patrice Chéreau, ou encore La Fille prodigue (1981) de Jacques Doillon.

Il était d'une générosité inouïe (…) dans "La Fille prodigue", c'était la première fois que j'avais tant de texte  à apprendre ; quand j'avais un très long monologue, il le fixait sur son chapeau pour que je ne me trompe pas.                
(Jane Birkin)

Une sorte de Baba Yaga absolument (...) excentrique, fantasque, menaçant, merveilleux.              
(Jane Birkin)

A leurs côtés enfin, Peter Brook, le metteur en scène du Vicaire, une pièce qui fit scandale en 1963 au théâtre de l’Athénée, et de La Cerisaie de Tchekhov, représenté d'abord en 1981 aux Bouffes du Nord; deux pièces que Michel Piccoli a marquées de son jeu et de son talent.

Il pouvait être très fort, très sévère, la gentillesse même, subitement très dur, mais il n'était jamais l'acteur qui se met devant sa partenaire.              
(Peter Brook)

Extraits sonores : 

  • Michel Piccoli sur la place de l'imaginaire dans la vie quotidienne (France Culture, « A Voix nue », 2006)
  • Les Choses de la vie (Claude Sautet, 1970)
  • Vincent, François, Paul... et les autres (Claude Sautet, 1974)
  • La Belle Noiseuse (Jacques Rivette, 1991)

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