Un grand père pied-noir et architecte, fondateur de la Maison mauresque, un père poète… et le besoin impérieux, enfant, de mettre sous clef ce passé. Qu’est-ce qui en émerge, et comment l’apprivoiser ? Christophe Claro, auteur de La Maison Indigène (Actes Sud) émet aujourd'hui quelques pistes.
- Claro Ecrivain, traducteur et éditeur
Difficile de se situer socialement lorsqu’enfant, on se fait traiter de « bougnoule » mais qu’on se sent français et en rupture ou décalage total avec ce passé-là. C’est ainsi que dans son école de banlieue parisienne, le jeune Claro découvre l’expression « pied-noir » :
J’ai fini par comprendre ce qu’était un pied noir, mais c’était compliqué parce que moi j’avais plutôt une gueule d’arabe, c’est-à-dire qu’à l’école je me faisais traiter de bougnoule et que je comprenais ainsi que je venais de là-bas. Mais il y avait à la maison cette forme de « nostalgérie » qui engendrait une rancœur assez vaseuse par rapport à tout ça. Et puis, autant mon père ne parlait pas de l’Algérie, qu’il avait quitté jeune, autant mon grand-père en parlait, mais toujours sous l’angle de l’art et de l’architecture. Et moi, j’étais pris entre ces deux feux que je ne m’expliquais pas ou qu’on ne m’expliquait pas. Cela m’embarrassait, et c’est une des raisons pour lesquelles à l’adolescence, je me suis fasciné pour la civilisation américaine…
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L’idée est alors de prendre le large et de tourner le dos à ce passé qui embarrasse. Jusqu’à ce que la littérature, perçue comme une "porte de sortie" ou "issue de secours", le mène à explorer ce passé-là, ces histoires d'architecture, de famille, et d'Algérie coloniale :
C’est un passé que j’avais cadenassé, un passé qui était trop lourd à porter. J’avais comme un rejet du monde arabe, tellement c’était un blocage et je ne suis jamais allé à Alger. Mais maintenant je suis prêt. C’est-à-dire que ce n’est pas mon histoire, mais c’est une pré-histoire qui a peut-être le droit d’exister dans ma bibliographie, on va dire.
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