Quelle enquête Dermot Turing a-t-il mené sur l’histoire des machines Enigma durant la Seconde Guerre Mondiale ? Quel a été leur rôle dans les conflits entre l’Axe et les Alliés ? En quoi résidait l’ingéniosité des Enigma ?
- Dermot Turing Juriste et expert en histoire du décodage, neveu d’Alan Turing
La fabrique de l’histoire, aidée par la fiction et notre goût collectif pour la jonction entre les drames personnels et les enjeux universels aura retenu que, derrière les lignes de front et le sacrifice de milliers de jeunes gens lors du débarquement de Normandie, la victoire des alliés dans la Seconde Guerre Mondiale a été rendue possible par les travaux d’un génie de l’informatique, qui a réussi à craquer le code allemand Enigma avant d’être poussé au suicide et oublié de tous. Alan Turing est aujourd’hui réhabilité et son neveu Dermot publie aujourd’hui l’histoire de cette machine Enigma mais loin d’être une hagiographie de son oncle. Ce livre est au contraire un document sur la longue et sinueuse histoire de ce déchiffrement et du rôle central de la Pologne et de la France dans ce récit.
Enigma : une autre histoire de la seconde guerre mondiale : c’est le programme cryptique qui est le nôtre pour l’heure qui vient. Bienvenue dans La Méthode scientifique.
Nous avons le plaisir de Dermot Turing, juriste et expert en histoire du décodage, neveu d’Alan Turing. Il publie “Enigma : ou comment les alliés ont réussi à casser le code nazi” aux éditions du Nouveau Monde et Ministère des Armées.
Le reportage du jour
Démonstration d’un simulateur universel de la machine Enigma, fabriqué par Jon D. Paul, inventeur de l’Association des Réservistes du Chiffre et de la Sécurité de l'Information. Cette MicroEnigma ne ressemble plus tellement à son ancêtre, malgré la présence d’un clavier alphanumérique, mais repose sur le même principe de chiffrement, et peut chiffrer un message échangé avec une véritable Enigma de la Seconde Guerre mondiale. Par Céline Loozen :
LA_METHODE_SCIENTIFIQUE - Reportage Céline Loozen "machine MicroEnigma" avec Jon D. Paul de l'ARCSI
6 min
Les repères
- En 1940, la Pologne et la France ont capitulé. La Grande-Bretagne résiste dans cette guerre qui se révèle être une véritable guerre du renseignement et de mouvement, où la communication est cruciale. La machine Enigma va devenir un outil incontournable pour les chiffrer et assurer les manœuvres de l’armée allemande.
- Enigma est une machine de chiffrement inventée initialement en 1918 par les ingénieurs en électricité allemands passionnés de cryptographie : Arthur Scherbius et Richard Ritter. D’abord commercialisée dans le civil et les milieux financiers, cette machine a suscité très vite l'intérêt de l’armée allemande pour pallier la déficience de son système de communication en terme de sécurité.
- La machine Enigma est un modèle dont il a existé au total 13 versions. Ses avantages sont multiples : rapide et plus simple à utiliser que d’autres procédés de chiffrement, puisqu’elle faisait intervenir un dispositif électromécanique automatique de cryptage, libérant les opérateurs de cet effort manuel. Petite, elle était facilement transportable, ce qui n’entravait pas la mobilité des unités, point clef de la stratégie de la Blitzkrieg. Enfin, elle donnait la possibilité de tisser un réseau très vaste sur les territoires, avec un déploiement de plus de 200.000 machines à la fin de la guerre.
- Concrètement, elle se présentait sous la forme d’une caisse en bois d’une douzaine de kilos, composée d’un clavier alphabétique, d’un tableau de connexion, de 3 rotors mobiles à 26 positions, d’un réflecteur et d’un tableau de 26 ampoules correspondant au 26 lettres de l’alphabet. Son fonctionnement état très astucieux : à chaque lettre pressée sur le clavier, une ampoule correspondant à la lettre codée s’allumait. Le nombre et la positions des rotors, ainsi que les câbles de paires de lettres du mécanisme interne offraient un nombre de clés gigantesque, de l’ordre du trilliards de possibilités (4,64 fois 10 puissance 22), correspondant à un temps de déchiffrement de plus d’un billiards d’années, pour certains modèles d’Enigma.
- Pourtant, en exploitant une des failles de cette machine réputée indéchiffrable, et avec l’aide de la trahison d’un informateur allemand proche de l’armée, les experts du renseignement britannique réunis au centre de Bletchley Park, au nord ouest de Londres, parviennent à réduire considérablement le nombre de combinaisons à tester et facile le décryptage d’Enigma. En particulier, Alan Turing, en s’inspirant d’une méthode développée par un des analystes du Bureau du Chiffre polonais, Marian Rejewski, fabrique une machine à décrypter. Cette machine, la bombe de Turing, va exploiter les failles décelées dans les bulletins météo émis par les Allemands chaque matin.
- La cryptanalyse d’Enigma réside dans un travail collectif autour et en amont de Turing. Ce travail a permis aux Alliés de connaître les faits et gestes des armées allemandes pendant certaines opérations de la guerre, comme la bataille de l’Atlantique, les combats en Afrique du Nord ou même le débarquement en Normandie. Rétrospectivement, les historiens affirme que le décryptage a permis d’écourter la Seconde Guerre mondiale de deux ans. Pourtant, Alan Turing n’aura jamais la reconnaissance publique qu’il méritait. Au lieu d’être considéré comme un héros par son pays, il a été persécuté pour son homosexualité et mourra de son traitement forcé de castration chimique.
Pour aller plus loin
[Thread] Retrouvez toutes les sources de cette émission sur le fil Twitter de La Méthode scientifique.
- La machine Enigma (Images des maths, CNRS)
- Alan Turing a-t-il inventé l'ordinateur et l'IA ? Son neveu nous raconte (We Demain, 2018)
- Le saviez-vous ? Enigma : la machine de chiffrement réputée inviolable (Ministère de la Défense, 2017)
- Seconde guerre mondiale : le mystère des machines Enigma (France Info, 2016)
- Enigma, ou comment les mathématiciens ont gagné la guerre 39-45 (Canal U, 2016)
- Enigma : comment chiffrer et déchiffrer (Sciences & Avenir, 2015)
- A Bletchley Park, l'histoire secrète de l'invention de l'informatique (Le Monde, 2015)
- Code secret Enigma : la DGSE remet les Anglais à leur place (L'Obs, 2015)
- [Dossier] 2004 > Enigma et la Seconde guerre mondiale par Guillaume Munch et Julien Milli (Instituts de recherche sur l'enseignement des mathématiques)
Les références musicales
Le titre du jour : "Minor swing" par Djando Reinhardt
Le générique de début : "Music to watch space girls by", par Leonard Nimoy
Le générique de fin : "Says" par Nils Frahm
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