Comment a-t-on observé le passage à l'hydrogène métallique ? Comment a-t-on mesuré l’état de l’hydrogène au moment de la montée en pression et pourquoi avoir choisi d’utiliser le rayonnement infrarouge d’un synchrotron ? Quels sont les enjeux sous-jacents à la production d'hydrogène métallique ?
- Paul Loubeyre Chercheur à la direction des applications militaires au CEA
- Paul Dumas Chercheur émérite au Synchrotron SOLEIL
Le 29 janvier dernier , une équipe française publiait dans la revue Nature les résultats de leur expérience, une première mondiale : la production d’une forme métallique de l’hydrogène, grâce à un dispositif mêlant une presse à diamant et un accélérateur de particules qui leur ont permis d’augmenter la pression jusqu’à près de 4,3 millions d’atmosphères. La production d’hydrogène métallique, c’est une sorte de course de fond entre laboratoires depuis de nombreuses années, pour observer cet état singulier de l’hydrogène, qui pourrait à terme, une fois atteint l’état métastable, un peu à l’image du diamant pour le carbone, ouvrir les portes du monde des supraconducteurs à température ambiante.
Hydrogène métallique, le heavy métal français : c’est le programme sous pression qui est le nôtre pour l’heure qui vient. Bienvenue dans La Méthode scientifique.
Et pour évoquer ces recherches de pointe, nous avons la chance d’accueillir deux des trois signataires de cette étude : Paul Dumas, chercheur émérite au Synchrotron SOLEIL et Paul Loubeyre, chercheur à la direction des applications militaires du CEA et il faut mentionner également Florent Occelli avec qui vous avez donc co-réalisé cette expérience.
Le reportage du jour
Quelles sont les conditions expérimentales requises pour arriver à faire de l’hydrogène gazeux un métal ? Florent Occelli, co-auteur de l’ étude publiée le 29 janvier 2020 dans la revue Nature, explique les enjeux de la création d’une enclume en diamant pour confiner l’hydrogène jusqu’à ce qu’il devienne métallique. Par Céline Loozen :
LA_METHODE_SCIENTIFIQUE - Reportage "Expérience de l'hydrogène métallique" avec Florent Occelli, DAM CEA
6 min
Repères
- Jusque-là, l'hydrogène métallique était une phase hypothétique de l'hydrogène qui surviendrait lorsqu'il est soumis à une très forte pression. Le 29 janvier 2020, Paul Loubeyre, Florent Occelli et Paul Dumas annoncent dans Nature avoir observé pour la première fois la métallisation de l’hydrogène moléculaire en atteignant les 4,27 millions d’atmosphères. NB : Le produit solide obtenu n’est pas métastable et sa supraconductivité n’a pas pu être vérifiée.
- Chacun y est allé de son expertise : Paul Loubeyre et Florent Occelli ont apporté leur connaissance dans la fabrication et l’optimisation de cellules à hautes pressions pour atteindre les conditions extrêmes nécessaires et possèdent une réputation internationale pour leurs recherches associées à ces instruments ; Paul Dumas est quant à lui reconnu au sein de la communauté scientifique internationale pour sa maîtrise de l’utilisation du rayonnement synchrotron dans le domaine de l’infrarouge, rayonnement grâce auquel il a été possible de mettre en évidence la métallisation de l’hydrogène.
- Tous 3 étaient sur la piste de l'hydrogène métallique depuis quelques années déjà. Il fallait pour cela atteindre des pressions supérieures à 4 millions d'atmosphères (elle est de 1 atmosphère au niveau de la mer, et d’environ 3,5 millions d’atmosphères au centre de la Terre), ce qui a nécessité de faire des progrès dans la technologie des presses à enclumes de diamant.
- Un échantillon d'hydrogène dont la taille était inférieure à un cube de 5 µm de côté a donc été compressé entre 2 pointes de diamant. Pour étudier le comportement de cet échantillon, un faisceau de lumière infrarouge disponible sur l'une des lignes de lumière du Synchrotron SOLEIL (la ligne SMIS, pour ‘spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier’) et produites par le rayonnement d'électrons accélérés par cette machine était utilisé. Cette lumière infrarouge a traversé les 2 diamants de la presse à enclumes et ses caractéristiques étaient affectées par le passage à travers l'hydrogène au cours de la montée en pression, faisant passer l'hydrogène de l'état gazeux à l'état solide isolant, puis semi-conducteur, tel le silicium, pour finir par devenir métallique à 4,27 millions d'atmosphères. À ce moment là, c’est l'observation d'une absorption totale de la lumière infrarouge qui a permis de démontrer la disparition de la barrière énergétique qui empêchait jusque-là les électrons liés aux molécules de se mouvoir librement comme dans un métal.
- Cette découverte constitue un pas de plus vers la prédiction initiale d’Eugene Paul Wigner et Hillard Bell Huntington, qui avaient théorisé l’existence de l’H métallique en 1935, en avançant que le solide moléculaire diatomique isolant devait se transformer en un solide monoatomique métallique à une pression suffisamment élevée. Pour atteindre l’état métallique atomique, il faudra probablement atteindre les 5 millions d’atmosphères.
- Par ailleurs, cette nouvelle connaissance ouvre une fenêtre sur le comportement de l'H à haute pression dans les entrailles des géantes gazeuses que sont Jupiter et Saturne (ainsi que dans leurs cousines dans le monde des exoplanètes), lesquelles possèdent toutes une couche d’hydrogène métallique dans leur structure interne.
Pour en savoir plus
[Thread] Retrouvez aussi les sources de cette émission sur le fil Twitter de La Méthode scientifique.
- [Infographie] Principe de la cellule à enclumes de diamant, dérivé de celui des enclumes de Bridgman
- L'hydrogène métallique bouleversera-t-il notre technologie ? Réponses de Florent Occelli (Futurasciences, février 2020)
- L’hydrogène enfin transformé en métal ? (Le Monde, janvier 2020)
- Comment l’hydrogène devient métal au cœur des géantes gazeuses ? (CEA, 2018)
- Bombarder l’hydrogène le rend métallique (Le Monde, 2018)
- Le mirage de l’hydrogène métallique (Sciences & Avenir, 2017)
- L'hydrogène métallique (Pour la Science, 2000)
- Une étape décisive vers l’hydrogène métallique :
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Les références musicales
Le titre du jour : Under pressure par David Bowie & Gail Ann Dorsey
Le générique de début : Music to watch space girls by par Leonard Nimoy
Le générique de fin : Says par Nils Frahm
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