Qu’appelle-t-on “phylodynamique” ? Que peut-elle nous apporter comme informations pour une meilleure compréhension épidémique ? Comment retrace-t-on la phylodynamique d’une infection virale ? Dans quelles mesures peut-on comparer la phylogénie d’espèces à celle des infections virales ?
- Hélène Morlon Mathématicienne de formation et responsable d’une équipe de recherche (Modélisation de la Biodiversité) à l’Institut de Biologie de l’ENS Paris. Lauréate du prix Irène Joliot Curie 2017 dans la catégorie “Jeune Femme Scientifique”.
- Samuel Alizon directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’évolution des maladies infectieuses
Virus qui es-tu ? Que fais-tu ? D'où viens-tu ? Ce sont ces questions auxquelles tâche de répondre une discipline relativement récente, la phylodynamie. Comme la phylogénétique, cette discipline s'intéresse à l'évolution virale à partir de l'analyse des variations de son matériel génomique et de ces évolutions dans le temps, en infère la circulation, le comportement, la transmission, et même les origines. Où et quand est apparu le SARS-CoV2 ? Comment s'est-il transmis de l'animal à l'homme puis de l'homme à l'homme ? Comment évolue-t-il ? Est-il en train de muter, et si oui à quelle vitesse ? Combien de fois a-t-il été introduit sur un territoire donné ? Autant de questions auxquelles la phylodynamie apporte son lot de réponses.
Phylodynamie : le virus à la trace. C'est le programme suivi qui est le nôtre pour l'heure qui vient. Bienvenue dans La Méthode scientifique en direct.
Et pour comprendre ce qu'est exactement cette discipline, en quoi elle se distingue de la phylogénétique, et comment se traque un virus émergent à travers ce jeu de piste génomique, nous avons le plaisir de recevoir, à distance comme toujours, Samuel Alizon, biologiste de l'évolution, directeur CNRS affecté au laboratoire « Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle » à Montpellier et Hélène Morlon, mathématicienne, responsable de l'équipe de recherche « modélisation de la biodiversité à l'Institut de biologie de l'Ecole Normale Supérieure de Paris.
Repères
- Les avancées de séquençage sont en train de bouleverser l’épidémiologie. Comme les épidémies récentes de Zika et d’ Ebola) l’ont montré, il est possible d’avoir une couverture quasi-exhaustive de la diversité génétique des virus en temps réel. Les approches de phylodynamique permettent alors d’en savoir plus sur la propagation et la biologie des infections (taux de transmission, durée d’infection, origine géographique) et d’ajuster en temps réel les mesures de santé publique (campagnes de sensibilisation, dépistage et traitement, quarantaine). Ces approches sont, en effet, moins sensibles aux biais d’échantillonnage que les approches classiques. Deux défis méthodologiques se posent alors : d’une part, combiner plusieurs types de données (séquences, dates, prévalences, localisations), et d’autre part, utiliser de grands jeux de données, les autres approches fonctionnant essentiellement pour des modèles simples et des phylogénies limitées.
- Concernant la pandémie actuelle, l’étude du patrimoine génétique du SARS-CoV-2 est en train de révéler aux phylodynamiciens quand il a infecté l’homme, d’où il vient, à quelle vitesse il se répand, combien de gens il a touchés, etc. C’est en effet grâce à la phylodynamie qu’ont été mis en avant la découverte du probable passage d’une chauve-souris à l’humain, l’origine d’une contamination dès novembre 2019 en Chine, les signes de ralentissement de l’épidémie dans certains pays, ou encore les origines multiples de l’épidémie en France.
- La méthodologie de cette discipline, en particulier l’usage des arbres en tant qu’outil, peut également s’appliquer pour tenter de comprendre l’évolution de la biodiversité au cours des échelles de temps géologiques, afin d’expliquer celle que l’on observe actuellement. Les questionnements ne se font pas forcément au niveau des données issues de séquençages, mais aussi sur des données morphologiques par exemple. De la même manière qu’en phylodynamique, les chercheurs utilisent à la fois les données actuelles dont on dispose couplées aux mathématiques, le tout en s’appuyant sur la théorie de l’évolution.
Pour aller plus loin
[Thread] Retrouvez aussi les sources de cette émission sur le fil Twitter de la Méthode scientifique.
- [A découvrir] Représentation du nombre de mutations sur les génomes en fonction du temps (GISAID)
- Phylodynamique du Covid-19 en France : variations temporelles de la croissance épidémique par Samuel Alizon et son équipe
- La phylodynamique, l’autre traque du coronavirus (Le Monde, 20 avril 2020)
- Covid-19 : la traque génomique du virus sur Nextstrain (Sciences & Avenir, 7 avril 2020)
- [Vidéo] 31/03 > Le génome du coronavirus est-il son talon d'Achille ? par Isabelle Imbert
- Utilisation des phylogénies d'infections en épidémiologie (2017)
- Phylodynamique des infections virales (2017)
Les références musicales
Le titre du jour : "Evolution" par Syd Arthur
Le générique de début : "Music to watch space girls by" par Leonard Nimoy
Le générique de fin : "Says" par Nils Frahm
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