Chroniques d'une Régence sale et corrompue, par Bertrand Tavernier

Philippe Noiret et Marina Vlady dans "Que la fête commence..." de Bertrand Tavernier (1975)
Philippe Noiret et Marina Vlady dans "Que la fête commence..." de Bertrand Tavernier (1975) ©Getty - Mondadori Portfolio
Philippe Noiret et Marina Vlady dans "Que la fête commence..." de Bertrand Tavernier (1975) ©Getty - Mondadori Portfolio
Philippe Noiret et Marina Vlady dans "Que la fête commence..." de Bertrand Tavernier (1975) ©Getty - Mondadori Portfolio
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Bertrand Tavernier, cinéaste historien, met en scène la période de la Régence dans son second long-métrage "Que la fête commence..." Noiret, Rochefort et Marielle dressent un tableau de la décadence et de la corruption d'un régime politique aveugle.

Nous sommes en 1719, soit quatre ans après la mort, et le très long règne, du roi Louis XIV. Son héritier et jeune arrière-petit-fils est trop jeune. Les clés – et ce qu'on appellerait aujourd'hui la gouvernance – du royaume sont donc confiées à un régent, qui n’est autre que le petit-fils de Louis XIII : Philippe d'Orléans. Et Philippe d'Orléans, c'est Philippe Noiret.
 

Il est épaulé dans sa tâche par Guillaume Dubois, un abbé dépravé et ambitieux, qui lâche des : "nom de Dieu de bordel de merde" blasphémateurs toutes les cinq minutes. Guillaume Dubois, c'est Jean Rochefort.
 

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Tous deux font face à la conspiration inoffensive du marquis de Pontcallec, un hobereau désargenté de Bretagne : Jean-Pierre Marielle.
 

Et c'est ainsi que le trio iconique Noiret - Rochefort - Marielle est réuni à l’écran par Bertrand Tavernier, dans Que la fête commence, un film de 1975. Une fiction historique qui dresse le tableau assez sinistre de la décadence et de la corruption de la noblesse à l’époque aux commandes à Versailles. Pour ce film, Tavernier s'est profondément documenté sur les conditions matérielles de vie et de confort  à la cour. Extrait.
 

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On entend Philippe Noiret d'Orléans marcher et deviser avec le duc de Bourbon (joué par Gérard Desarthe) dans les beaux couloirs de Versailles. Ils évoquent une affaire politico-financière bien crapuleuse de l'époque : les actions en Louisiane de M. Lass à savoir Mr. Law, qui se solderont par une banqueroute retentissante.
 

A priori nous sommes dans une scène historique tout à fait classique. Mais son intérêt réside dans le contraste entre ce qui se dit, et ce que l'on voit. La scène s'ouvre en effet par un détail historique, déroutant pour nous aujourd'hui : le duc de Bourbon urine en plein salon dans un pot en fer, tenu par un préposé à la tâche. 

Dans la même scène le même duc, ramasse un rat mort sur le plancher et le lance à un domestique qui s'affairait à laver les vitres de l'arrière-plan. Deux détails aujourd’hui sales et triviaux du quotidien de la cour que Tavernier met en évidence.

Le travail de reconstitution historique joue sur plusieurs plans dans cette scène. D'un côté, des élites en perruque, décadentes et corrompues, qui évoquent les tractations du temps. De l'autre : les détails de l'hygiène et les rituels qui peuplent et rythment la vie quotidienne.
 

Ces deux plans racontent cependant la même chose : une corruption qui gagne le royaume de France. Un mal qui n'est pas lié au caractère des hommes corrompus, car Philippe d'Orléans pense et se comporte souvent dans le film en homme "bon", mais plutôt à l'organisation même du système Versailles.
 

Une corruption qui mène jusqu'à une puanteur que Philippe Noiret sent littéralement et physiquement sur sa main, dans une scène de délire un lendemain de débauche. Une scène qui précède l’incendie d’un chariot à la fin du film, et qui annonce la révolution à venir à la fin du siècle.